Maxime est non-voyant depuis sa naissance. Il est très bavard et a beaucoup de vocabulaire. Ses parents ne sont pas certains qu’il comprenne vraiment tous les mots qu’il utilise. Par exemple, il reconnaît très bien le bruit des abeilles dans son loto sonore, mais l’autre jour il leur a dit qu’il pensait qu’une abeille, c’était plus grand que lui. Et le mois dernier, il pensait qu’un avion, c’était comme un escalier.

Pourquoi la vue aide-t-elle à comprendre les mots ?

Pour apprendre un mot et en comprendre le sens, un enfant doit l’avoir entendu plusieurs fois dans différents contextes et faire le lien entre ce mot et la chose qu’il désigne. Par exemple, c’est parce qu’il a vu différents chiens (un york-shire, un berger allemand, un épagneul) et entendu que les autres les appelaient des chiens, qu’il pourra construire le concept de chien. S’il voit ensuite un caniche, mais n’est pas certain que ce soit un chien, il pourra le montrer du doigt en disant “chien”, les autres pourront alors confirmer qu’il s’agit bien d’un chien, alors que s’il montre un chat en disant “chien”, ils lui diront qu’il se trompe, que c’est un chat. Cela lui permettra d’avoir une idée plus précise et complète de ce qu’est un chien.

Quelles peuvent être les conséquences de la cécité sur le vocabulaire ?

Les enfants non-voyants ne peuvent pas percevoir à quoi correspondent certains mots. Par exemple, tout ce qui est uniquement visuel (les couleurs), très loin (les étoiles), très grand (une montagne), ou très petit (une fourmi) ne pourra pas être perçu. Ils entendent les mots, mais ne peuvent les rattacher à quelque chose qu’ils peuvent voir, entendre, toucher…

Pour d’autres mots, il peuvent percevoir l’objet qui s’y rattache, mais auront besoin d’une aide pour faire le lien entre le mot et ce qui est perçu. Par exemple, un enfant voyant n’aura pas de difficultés à comprendre ce qu’est un micro-ondes en voyant ses parents réchauffer les aliments dedans. Mais un enfant non-voyant pourra, certes, en entendre le bruit, éventuellement en toucher la paroi et pourquoi pas l’intérieur, mais il aura besoin que ses parents lui expliquent qu’on réchauffe les aliments dedans pour comprendre ce qu’est un micro-ondes.

Enfin, s’il n’entend le mot que dans certains contextes, il peut se faire une représentation faussée du sens du mot. Par exemple, si Maxime n’a entendu parler des abeilles que dans son loto sonore et dans une histoire audio où le cheval de l’héroïne était effrayé par une abeille. Il peut reconnaître le bruit et savoir que c’est effrayant mais se le représenter comme un gros monstre bourdonnant. Il ne se le représentera pas comme étant un petit insecte.
De la même manière, s’il a pris une fois l’avion, dans lequel il est monté par un escalier, il a pu penser que “prendre l’avion”, c’était monter l’escalier et donc qu’un avion est une sorte d’escalier.

Le verbalisme

Les enfants non-voyants ont alors tendance à utiliser ces mots dont ils ne maîtrisent pas le sens, pour se conformer au langage des personnes voyantes. Cela peut donner une impression de langage décalé, inadapté ou des formules toutes faites qui ne sont pas adaptées au contexte. On appelle cela le verbalisme. Parfois le verbalisme est plus discret : l’enfant donne l’impression d’avoir beaucoup de vocabulaire, mais lorsqu’on lui demande d’expliquer les mots qu’il emploie, ou de les utiliser dans un autre contexte, il en est incapable.

Que faire pour éviter le verbalisme ?

Il est important dès que l’on peut, de faire entendre, toucher, sentir, goûter, tout ce que l’enfant rencontre dans son quotidien, même ce qu’il connait déjà. Cela lui permettra d’identifier des choses dans différents contextes et de construire les concepts.

L’essentiel est surtout de lui décrire son environnement, de lui expliquer ce qui se passe et de faire des liens avec ce qu’il connaît. Il vaut mieux, par exemple, lire un livre à l’enfant pour pouvoir faire ces liens, vérifier qu’il a compris, plutôt que le laisser seul avec un livre audio, surtout à la première lecture. Sa maman pourra expliquer à Maxime qu’une abeille ça peut faire peur à un cheval, parce que ça peut piquer et ça bourdonne dans les oreilles, mais que c’est tout petit, comme une mouche, ça se pose sur les fleurs pour les butiner, donc c’est tout léger. Même ce qui est très visuel peut être expliqué et rattaché à du sens. On peut dire que le vert est la couleur de l’herbe, le bleu la couleur préférée de maman et aussi celle du ciel et de la mer.

Il n’est pas toujours évident de repérer ce à quoi un enfant non-voyant s’intéresse. S’il tend l’oreille, s’il attrape quelque chose, s’il interrompt son activité quand il entend un bruit, ce sont des signes d’intérêt qu’on peut remarquer pour apporter des commentaires. Toutes nos descriptions vont lui permettre de faire des liens et de mettre du sens sur ce qu’il perçoit.

Et si ça continue ?

Si malgré ces expériences variées et ces explications pendant quelques mois le langage de l’enfant reste très inadapté, Les parents pourront consulter une orthophoniste. En effet, si un trouble du langage ou du neurodéveloppement vient s’ajouter à la cécité, il augmente en général le verbalisme. Une prise en charge adaptée peut alors s’avérer nécessaire.

Les enfants non-voyants ont tendance à utiliser des mots dont ils ne maîtrisent pas ou mal le sens, dans des contextes inadaptés. Il s’agit du verbalisme, phénomène courant chez les enfants atteints de cécité. Ils font cela pour se conformer au monde des personnes voyantes. En multipliant des occasions de percevoir concrètement le monde qui l’entoure (entendre, sentir, toucher, goûter) et en apportant des explications, en faisant des liens avec ce qu’il connaît, on pourra aider l’enfant à mieux construire le sens des mots et diminuer le verbalisme. S’il venait malgré tout à persister, il est possible qu’un autre trouble soit présent en plus de la cécité et une prise en charge orthophonique peut alors être nécessaire.