Mathis a été diagnostiqué avec un trouble du spectre autistique (TSA) à l’âge de 4 ans. Il a réalisé de nets progrès au cours des derniers mois grâce à différentes prises en soins spécialisées. Il bénéficie de soins orthophoniques qui visent à développer ses aptitudes à la communication et aux interactions sociales, ce qui favorise son développement global. Depuis qu’il est suivi, le petit garçon s’intègre mieux aux activités scolaires et montre plus d’intérêt pour ses camarades. Cependant, ce changement soudain de comportement a suscité l’inquiétude de ses parents. Comme ils avaient rendez-vous avec l’orthophoniste de Mathis après l’école, ils lui en ont parlé. L’orthophoniste a soupçonné l’existence d’une douleur physique et conseillé de consulter rapidement le pédiatre, qui a diagnostiqué une otite et prescrit un traitement adapté. Les parents de Mathis ont découvert une réalité souvent négligée : la douleur chez l’enfant autiste peut se manifester de manière complexe et inattendue. Les cris et l’agitation de leur fils était une manière d’exprimer sa douleur aux oreilles.

Les difficultés de communication qui empêchent de dire « j’ai mal ! »

Les enfants autistes, comme Mathis, ont souvent des difficultés à exprimer leurs sensations et émotions. La douleur aussi. Si leur communication verbale est limitée ou inexistante, cela complique encore plus la tâche des parents et des enseignants pour comprendre ce qui se passe. La douleur des enfants avec TSA peut s’exprimer par des comportements inhabituels, tels que des cris, de l’agitation, des pleurs ou des gestes d’automutilation.

Il est important de savoir que des comportements inhabituels ou des cris ne sont pas juste des «caprices». Ils peuvent être un mode de communication que l’enfant utilise pour exprimer une douleur physique s’il ne peut pas la dire avec des mots. Par exemple, une douleur dentaire, une infection de l’oreille ou même des maux de tête peuvent provoquer une grande agitation chez un enfant autiste, qui ne peut pas dire «j’ai mal» de la même manière qu’un autre enfant.

Les comportements extrêmes : un signal d’alarme

Les enfants atteints de TSA peuvent présenter des comportements extrêmes en réponse à une douleur qu’ils n’arrivent pas à exprimer verbalement et qui les envahit. Comme ils sont submergés par des sensations désagréables, ils peuvent crier, faire des crises de colère, être particulièrement agités. Cela peut aller jusqu’à des actes d’automutilation, comme se mordre les poignets ou se griffer, se taper. Pour les parents, les enseignants et les camarades de classe, ces manifestations sont très déconcertantes, voire déstabilisantes. Elles sont souvent mal comprises, surtout si l’enfant était jusque-là calme et coopérant.

Il est essentiel de comprendre que ces comportements peuvent constituer une forme de communication. C’est une manière pour l’enfant d’exprimer une douleur physique qu’il ne parvient pas à verbaliser. Les enfants autistes ont souvent des difficultés à identifier, exprimer et partager leurs sensations corporelles, ce qui rend le dépistage de la douleur particulièrement complexe.

La douleur chez l’enfant autiste : une réalité souvent négligée

Le cas de Mathis n’est pas isolé. De nombreux enfants autistes souffrent en silence, leur douleur étant souvent masquée par des comportements extrêmes. La douleur chez les enfants autistes est une réalité mais elle est souvent difficile à détecter. Ces enfants peuvent avoir une sensibilité accrue à la douleur ou, au contraire, ne pas réagir aux stimuli douloureux de la même manière que les autres enfants. Par exemple, un enfant autiste peut ressentir un inconfort insupportable à cause d’une banale étiquette de vêtement qui gratte ou d’une lumière trop vive, mais peut sembler être totalement indifférent à une coupure ou une chute. Ces comportements peuvent paraître très étranges, voire exagérés comme pour une petite étiquette que l’enfant veut arracher. La douleur peut provenir de sources très diverses et parfois insoupçonnées : des maux de tête, des douleurs abdominales, des crampes musculaires ou encore une matière qui gratte, un son trop fort. L’enfant autiste ne peut pas exprimer verbalement ce qu’il ressent, y compris ce qui le gêne ou le dérange. Il manifeste son inconfort avec des comportements inhabituels et parfois étranges pour les autres. Ce sont des modes d’expressions pour tenter de se soulager comme il peut et/ou pour attirer l’attention sur ce qui lui arrive et qu’il ne peut pas dire avec des mots.

Le rôle de l’orthophoniste dans l’évaluation de la douleur

Dans ces situations complexes, l’orthophoniste joue un rôle clé. Ce professionnel de santé est expert dans le langage et toutes les formes de communication : verbale et non verbale. A ce titre, l’orthophoniste participe à l’évaluation et la prise en charge de la douleur chez les enfants autistes, en travaillant étroitement avec les parents et les autres professionnels de santé et les éducateurs spécialisés. L’orthophoniste aide à identifier et à comprendre les signes non verbaux propres à chaque enfant, en proposant des stratégies personnalisées et des moyens de mieux communiquer, y compris un inconfort ou une douleur.

L’orthophoniste apprend à connaître l’enfant en observant ses comportements dans diverses situations, la manière dont il interagit avec ses parents. Ces observations permettent de repérer les moments parfois subtils à percevoir, où la douleur semble se manifester, par exemple pendant les repas, lors des jeux ou au moment de l’endormissement. L’orthophoniste utilise des outils d’évaluation spécifiques pour les enfants en situation de handicap. Ces outils ont été étudiés et validés. Ils permettent de mieux comprendre les manifestations de la douleur et leur impact sur le comportement de l’enfant.

La collaboration avec les parents est indispensable dans le suivi des enfants avec TSA, ils apportent leur expertise propre. Ce sont eux qui connaissent le mieux leur enfant et ses réactions habituelles. Ils vont aider l’orthophoniste à remplir des échelles d’hétéroévaluation de la douleur (outils basés sur les manifestations comportementales de l’enfant : mimiques, gestes, cris). Dans l’idéal, les résultats de cette évaluation seront discutés ensuite avec les autres professionnels qui interviennent auprès de Mathis. Chacun apporte ainsi sa vision des choses et son avis en fonction de son métier. Cela participe à offrir un accompagnement optimal et concerté pour le petit garçon et ses parents.

Réduire la douleur pour améliorer le comportement

Le meilleur soulagement d’une douleur est toujours le traitement de sa cause. C’est pourquoi il est essentiel que les parents signalent aux professionnels de santé et au médecin, en priorité, tout changement de comportement brusque chez leur enfant. Une réponse médicale adaptée permet d’améliorer significativement les troubles du comportement, comme dans le cas de Mathis. Après quelques jours, le traitement de l’otite a permis de soulager l’enfant, de diminuer l’agitation et les cris du petit garçon. Son comportement s’est stabilisé. Il a retrouvé son calme en classe et a recommencé à participer aux activités de groupe comme avant.

Cette situation souligne l’importance de ne pas ignorer des cris, une agitation ou des comportements inhabituels chez les enfants autistes. La douleur qui n’est pas détectée et qui n’est pas correctement soulagée, peut non seulement provoquer de la souffrance physique, mais aussi exacerber les troubles du comportement, perturber les interactions sociales et entraver le développement de l’enfant.

Prévenir les conséquences à long terme

Une douleur non traitée chez les enfants autistes peut avoir des conséquences graves à long terme. Elle peut exacerber les troubles du comportement, entraver le développement des compétences sociales et communicationnelles, et entraîner un isolement accru. Dans certains cas, elle peut même conduire à des troubles de l’humeur ou de l’anxiété, renforçant ainsi le cercle vicieux du comportement et de la douleur.
Il est donc essentiel d’agir dès les premiers signes de changement de comportement chez un enfant autiste. En identifiant la douleur, en recherchant les causes et en permettant de l’exprimer plus facilement, en réfléchissant à des techniques pour apaiser ou éviter son apparition, l’orthophoniste peut non seulement améliorer la qualité de vie de l’enfant, mais aussi favoriser ses progrès scolaires et sociaux. Pour Mathis, le soulagement rapide de la douleur induite par l’otite a permis de réduire les crises d’automutilation, puis de restaurer un climat de confiance à l’école et de favoriser son intégration dans le groupe classe.

Collaborer pour un soutien optimal

Le succès de l’intervention repose sur une collaboration étroite entre tous les adultes intervenants auprès de l’enfant : les parents, le pédiatre ou le pédopsychiatre, l’orthophoniste, le psychologue, le psychomotricien, le médecin scolaire, les enseignants ou encore l’ergothérapeute et les éducateurs spécialisés. Dans son domaine de compétences, chacun participe à la mise en place d’un environnement sécurisé et adapté aux besoins de l’enfant. Par exemple, les enseignants peuvent être formés à repérer les signes de douleur chez les enfants autistes et à adapter leurs réponses et la gestion du groupe en conséquence.

Utiliser les nouvelles technologies disponibles

L’intervention de l’orthophoniste auprès de l’enfant autiste vise à améliorer sa communication, en utilisant parfois des outils de communication alternatifs. Un enfant qui s’exprime plus facilement, quel que soit son mode d’expression, pourra mieux partager ce qui le gêne ou lui fait mal. Mieux dépister la douleur, l’évaluer avec des outils appropriés, réfléchir à des techniques pour apaiser ou éviter son apparition, peut non seulement améliorer la qualité de vie de l’enfant, mais aussi favoriser ses progrès scolaires et sociaux.

L’orthophoniste intervient au sein d’un partenariat parental, par exemple, pour installer APO, une application dédiée au suivi de la douleur des enfants avec difficultés de communication. Lors de l’inscription, la famille remplit un profil avec certaines données, comme le diagnostic, les traitements habituels de l’enfant, ses modes de communication et d’expression, les points de vigilance le concernant, les signes d’alerte identifiés et les facteurs favorisant la douleur dans la vie quotidienne. Il est ensuite possible pour les familles d’éditer un passeport à partir de ces données. Cela facilite le partage des informations utiles pour les soins et les consultations de leur enfant.

La douleur, une priorité dans la prise en charge des enfants autistes. Les cris et l’agitation chez un enfant autiste ne sont pas toujours des manifestations de son trouble autistique. Ils peuvent être aussi un signal d’alarme, révélateur d’un inconfort ou d’une douleur. Sans un soulagement rapide par une réponse adaptée des adultes qui l’entourent, la douleur de l’enfant autiste peut avoir des répercussions importantes sur sa vie quotidienne. L’orthophoniste, professionnel de santé expert dans la communication sous toutes ses formes, peut aider et soutenir les parents de l’enfant autiste lorsque celui-ci tente d’exprimer une douleur.

Cinq conseils en attendant le bilan chez l’orthophoniste

  1. Observez les comportements inhabituels : Soyez attentif aux changements de comportement de votre enfant, comme des cris, de l’agitation, des pleurs ou des gestes d’automutilation plus fréquents ou plus violents que d’habitude. Ces signes peuvent indiquer une douleur ou un inconfort.
  2. Utilisez des outils de communication alternatifs : Si votre enfant a des difficultés à verbaliser sa douleur, utilisez des pictogrammes, des dessins ou des applications de communication pour l’aider à exprimer ce qu’il ressent.
  3. Consultez votre médecin si vous avez un doute et/ou que vous ne parvenez pas à comprendre le changement de comportement de votre enfant.
  4. Créez un environnement apaisant : Un environnement calme et sécurisant, un cadre qu’il aime particulièrement, tout ceci peut aider à réduire le stress et l’anxiété de votre enfant, ce qui peut à son tour diminuer les comportements liés à la douleur.
  5. Utilisez ce qui calme votre enfant : une couverture épaisse sur lui, les massages doux ou l’utilisation de jouets sensoriels peuvent aider à apaiser votre enfant et à réduire la perception de la douleur.
    Ces conseils peuvent aider à mieux comprendre et gérer la douleur de votre enfant en attendant une consultation spécialisée. Pensez à chercher des ressources supplémentaires pour obtenir des informations détaillées et adaptées à votre situation.

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