Quand Paul est né, mon mari et moi avions décidé qu’il serait allaité. Tout s’est toujours bien déroulé, et pourtant, depuis que nous avons voulu nous lancer dans la diversification avec des purées ou des compotes, ça se complique ; il refuse de manger autre chose que mon lait. Comme il grossit bien, nous n’étions pas inquiets, mais cela dure et nous ne savons pas quoi faire. Est-ce grave s’il commence à manger à la cuillère plus tard ? Devons-nous consulter un spécialiste ?
La diversification c’est quoi ?
On appelle « diversification », la période où le bébé va découvrir d’autres aliments que le lait. Il va tout d’abord découvrir les fruits et légumes, puis les féculents, les viandes, les poissons. Le médecin peut aider les parents pour déterminer les aliments et les quantités à proposer en fonction de l’âge du bébé.
En France, on identifie plusieurs manières d’accompagner les bébés durant cette période : donner des aliments à la cuillère (soit des petits pots industriels, soit des purées et compotes préparées « maison »), ou mettre à disposition du bébé des aliments fondants qu’il va prendre à pleines mains (on appelle cette dernière méthode « la Diversification Menée par l’Enfant »).
La diversification commence à quel âge ?
Quand bébé grandit, entre 4 et 6 mois, il commence l’alimentation dite « solide ». Si le lait reste l’alimentation principale jusqu’à 12 mois, il fait, pendant cette période, de nombreuses autres expériences alimentaires très importantes pour son développement et sa santé.
On considère que la diversification du bébé dure jusque 24 mois environ, âge auquel il est en mesure de manger seul toutes les textures d’aliments. Il est alors devenu expert des goûts et des textures mais aussi des outils : il sait boire au verre, boire à la paille et manger avec des couverts.
Les étapes de la diversification : goûts et textures
La variété d’aliments goûtés avant 12 mois est fondamentale. On sait qu’elle détermine l’aisance à manger ensuite ces aliments quand l’enfant aura plus de 2 ans. On pourrait dire que cette période est capitale pour la découverte du goût. On sait aussi que si le nombre d’aliments différents proposés est important, la répétition des propositions d’un même aliment l’est aussi pour amener le bébé à l’apprécier complètement.
La variété des textures proposées et l’introduction des morceaux est également une étape clé pour le développement du bébé. C’est en proposant au bébé des textures diverses puis des morceaux de plus en plus complexes qu’il va apprendre à les manger. Si au départ sa bouche sait uniquement téter quand il est allaité (au sein ou au biberon), c’est l’entrée dans la diversification et la nature des aliments proposés qui vont lui permettre de développer les compétences comme mordre, croquer, mâchonner ou mastiquer.
Retarder le début de la diversification d’un bébé fragilise donc l’expérience précoce qui participe à l’accès à de multiples goûts, mais aussi au développement de tous les mouvements de bouche qui sont entraînés dès que l’enfant mange des aliments solides (on parle d’oro-motricité).
La cuillère, ça change quoi ?
Au moment du passage à la cuillère, le bébé s’adapte à des nouveautés. Plus que le contenu de son alimentation, c‘est toutes les routines de son repas qui se modifient. Il n’est plus installé comme avant et découvre sa chaise haute, se retrouve plus éloigné de celui qui le nourrit. Le sein ou la tétine de biberon est remplacé par une cuillère. Le flux ininterrompu de lait se retrouve remplacé par le rythme parfois aléatoire de la cuillère et de son contenu.
Au-delà des nouveautés comme les goûts, les odeurs, les textures et les températures, ce sont tous les repères alimentaires du bébé qui sont bouleversés. Quelques expériences régulières répétées peuvent être nécessaires pour que bébé comprenne et paraisse mieux accepter son nouveau repas.
Les débuts de la diversification : pas toujours facile !
En effet, au départ, les bébés peuvent dérouter leurs parents. Grimaces, crachats, hauts le coeur, détournements sont autant de comportements normaux observés lors des premières expériences. Il faut parfois redoubler de patience et de persévérance pour que les bébés partent à l’aventure de l’alimentation solide.
Les grimaces, aussi appelées réflexes gusto faciaux, sont observées chez tous les bébés, de manière plus ou moins intense. Elles peuvent faire penser à des marques de dégoût, alors qu’elles sont en réalité l’expression de leur surprise face à toutes ces nouvelles découvertes sensorielles gustatives.
Les hauts le coeur, aussi appelés « réflexes nauséeux » sont très souvent observés lors des premières explorations que le bébé fait avec sa bouche. Grâce à ces hauts le coeur, il n’avale pas de travers et il apprend à découvrir les limites de sa bouche. Si ceux-ci peuvent impressionner les parents, ils doivent également les rassurer : ils sont aussi l’expression (au départ) du bon développement du bébé.
Les crachouillis observés font également partie des comportements attendus chez les bébés : leur bouche est encore peu habile pour gérer les aliments qui ressortent facilement. Il serait fâcheux d’associer ces observations à des refus de manger. Ils sont seulement au départ le reflet de leur maladresse. À force d’entraînements, les bébés recrachent de moins en moins.
Le bébé n’est pas toujours partant pour l’aventure de l’alimentation solide. Il peut se détourner, s’opposer avec sa main. Accepter de nouvelles habitudes peut demander un peu de temps. Au départ, le bébé ne comprend pas très bien ce qu’on attend de lui, mais aussi quels bénéfices il va tirer de ces nouvelles expériences. Lors de ses premières fois, il pourra donc montrer des comportements inquiétant ses parents. C’est en encourageant leur bébé avec sérénité qu’ils pourront dépasser cette éventuelle période passagère.
Comment faire ?
Il est important de décider sereinement le moment où bébé va entrer dans l’alimentation solide. Plus que bébé, ce sont ses parents qui doivent se sentir prêts, sans toutefois dépasser l’âge de 6 mois. Dès lors que bébé aura commencé à manger une alimentation solide, il sera important de lui proposer le nouveau schéma au repas chaque jour, au gré d’une bonne installation (avec de bons appuis), d’une cuillère bien choisie (à la taille de la bouche de bébé, suffisamment rigide), d’aliments faciles à manger (pour commencer), mais aussi de sérénité et de plaisir à partager ces moments avec lui.
En cas d’inquiétude, il est important pour les parents de pouvoir échanger avec le médecin qui suit l’enfant.
Et si c’est difficile, que faire ?
En choisissant un temps d’éveil calme du bébé où il ne se sent pas trop assailli par la faim, il se sentira sans doute plus disponible pour ses premières expériences. Les parents pourront commencer par la cuillère et proposer le lait dans un second temps. Ils pourront s’autoriser à donner un peu de purée sur le bout de leur doigt, ou inviter bébé à découvrir lui-même les aliments avec ses mains.
Le bébé allaité au sein (ou au biberon) peut refuser la cuillère et encourager sa maman à lui proposer le sein (ou le biberon). Il est plus confortable pour ce bébé de retrouver le schéma qu’il connaît. Il faut donc redoubler de patience avec lui, voire déléguer à un tiers comme le papa afin que bébé comprenne la nouvelle proposition régulière que ses parents lui font. Il va s’engager vers d’autres modèles alimentaires.
L’alimentation lactée (via l’allaitement ou le biberon) sera bien sûr maintenue, mais elle ne pourra pas remplacer l’alimentation solide. C’est pourquoi, en cas de difficultés persistantes, il sera important de consulter son médecin sans tarder. Ce dernier déterminera ensuite l’intérêt de proposer aux parents une consultation orthophonique pour mieux comprendre les difficultés rencontrées.
Quand un bébé peine à entrer dans la diversification alimentaire, il est important de réagir rapidement. Qu’il soit allaité au sein ou au biberon, que sa prise de poids soit bonne ou pas, il convient de l’aider à dépasser ses difficultés afin qu’il puisse s’emparer des expériences alimentaires précoces, puisqu’elles façonnent les comportements futurs de l’enfant : accepter des aliments variés et pouvoir gérer des textures différentes. En consultant le médecin généraliste, il orientera, au besoin, vers un orthophoniste.