« Quand le chirurgien nous a dit qu’il fallait opérer notre fils des amygdales et végétations, j’étais inquiète. Mais il m’a bien expliqué pourquoi c’était très important de bien respirer la nuit. C’est pour ça que Gaspard était fatigué le matin au réveil et qu’il avait encore besoin de longues siestes. Tout s’est vraiment bien passé et du coup je n’étais pas inquiète au début quand j’ai entendu qu’il « ronronnait » en parlant. Je pensais que c’était parce qu’il avait un peu mal ou que c’était encore gonflé. Mais il ne peut pas s’en empêcher et ça ne passe pas. »
Que s’est-il passé dans la bouche de Gaspard ? L’orthophoniste vous explique :
Autrefois, on parlait de « retirer » les amygdales et /ou végétations. Aujourd’hui, on parle plutôt de réduction lorsqu’elles prennent trop de place dans la cavité buccale. Les raisons pour lesquelles on réalise cette opération sont différentes : infections ORL et otites à répétition, difficultés à avaler des morceaux ou produire certains sons (k, g, r), ronflement nocturne qui entraîne des apnées du sommeil (blocages respiratoires plusieurs fois par nuit) comme dans le cas de Gaspard. Son sommeil n’était pas réparateur et même perturbé puisque pendant les apnées, le cerveau n’est pas ventilé. Il se réveillait fatigué et avait du mal à se concentrer à l’école.
C’est une opération fréquente mais qui nécessite un vrai repos après. Ses bénéfices sont vraiment rapides. On peut la pratiquer aussi chez les adultes avec les mêmes indications et les mêmes conséquences.
Lors de la visite post-opératoire, le chirurgien de Gaspard a vérifié que tout était bien cicatrisé. Il a aussi entendu que Gaspard parlait comme avant mais un bruit de ronron en même temps que les mots. Ce bruit s’appelle un ronflement nasal et il est surtout présent sur certains sons : (p b t d k g).
Parfois, le patient ne ronronne pas mais parle du nez quelque soit le son. On dit qu’il nasonne. La voix est nasale. A l’école, certains copains pourraient lui dire : « tu parles comme un canard ».
D’où viennent ces bruits ?
Il existe deux catégories de sons : ceux pour lesquels l’air passe par le nez comme [m] et [n,] et ceux qui nécessitent que l’air ne passe que par la bouche (presque toutes les consonnes et beaucoup de voyelles). Il faut alors que le nez soit isolé de la bouche. L’air ne doit pas passer par le nez.
Ce qui va permettre d’isoler le nez de la bouche c’est ce qu’on appelle le voile du palais. C’est un ensemble de cinq muscles qui se trouve dans le prolongement du palais dur. Le voile sert à plusieurs choses. Par exemple il évite que les aliments passent dans le nez quand on mange. Il sert aussi à aérer l’oreille. Vous savez comme quand ça claque si vous baillez, si vous allez sous l’eau ou si vous prenez l’avion. Ces muscles sont très souples et bougent facilement. Ils doivent aller se mettre au contact de la paroi pharyngée (le fond de votre gorge) pour isoler le nez de la bouche.
Si Gaspard arrive à fermer son voile du palais alors ses sons seront parfaitement clairs. S’ il arrive à fermer mais que la pression de l’air, nécessaire pour parler, force le passage, alors ça va vibrer et produire le ronflement nasal. Un peu comme l’air qui s’engouffre sous une porte mal fermée.
Si l’espace est encore plus grand et que Gaspard ne parvient plus du tout à fermer son voile du palais, alors les sons seront plus flous ou encore il va nasonner.
Qu’est-ce qui a changé avec l’opération ?
Avant l’opération les amygdales prenaient beaucoup de place et gênaient sans doute les mouvements du voile. Celui-ci n’était pas très sollicité. Comme les amygdales bouchaient aussi un peu la cavité buccale, elles empêchaient aussi l’air de passer par le nez. Pour les végétations (on ne peut pas les voir), elles tapissent le fond de la gorge sur environ 3 mm d’épaisseur et donc contribuent aussi à remplir l’espace.
En les réduisant on a rendu le voile plus libre de bouger mais on a aussi « agrandi » la cavité buccale. Or, le voile n’avait pas l’habitude de bien se contracter et il n’arrive pas à compenser la réduction des amygdales.
Que peut-on faire ?
Si le trouble persiste au-delà de 2 mois ou s’ il nuit vraiment à l’intelligibilité du patient, il faut alors consulter l’orthophoniste comme le suggère l’ORL de Gaspard. Dans le cas de ce dernier on le comprend toujours bien donc soit cela va rentrer dans l’ordre, soit il aura besoin de quelques séances avec l’orthophoniste.
L’orthophoniste va évaluer les conséquences de l’amygdalectomie (opération des amygdales) en observant dans la bouche de Gaspard comment bouge le voile du palais, s’il est loin du fond quand il parle. On testera aussi sur un petit miroir s’il y a de l’air qui fuit de son nez sur les sons où normalement le voile doit être bien fermé. Et bien sûr il écoutera le patient dans différentes situations de parole : discussion libre, lecture à voix haute, pendant qu’il compte…
Il sera possible d’apprendre à mieux bouger les muscles du voile, à les sentir quand ils se contractent. Pour cela, Gaspard va faire des exercices sous forme de jeux (aspirer, souffler en contrôlant l’air) et apprendre à reconnaître quand il prononce bien ou non. Il sera important de refaire ces exercices quelques minutes chaque jour à la maison. Normalement en 3 à 6 mois se sera corrigé tout en gardant le bénéfice de l’opération.
Et si l’orthophonie ne suffit pas ?
Si le trouble est vraiment persistant et gênant, avec un retentissement sur la vie sociale de l’enfant alors il faudra prévoir une consultation spécialisée. Ce sera le cas aussi si, suite à l’amygdalectomie, il y a des passages de liquides ou d’aliments lors des repas par le nez. L’orthophoniste pourra alors vous adresser dans le centre de compétence Maface le plus proche de votre domicile.
Les effets indésirables de l’amygdalectomie (opération des amygdales) et/ou de l’adénoïdectomie (opération des végétations) sont rares mais bien connus. Il ne faut pas hésiter à en parler au chirurgien de votre enfant si vous constatez que sa voix a été modifiée par l’opération. Il pourra alors vous orienter vers l’orthophoniste.
Si les soins orthophoniques sont insuffisants, on se dirigera vers les centres spécialisés Maface dont les coordonnées sont disponibles sur le site de la filière maladies rares : tete-cou.fr
A noter que pour les enfants nés avec une fente palatine, il est indispensable de parler au chirurgien qui le suit de tous les projets relatifs aux amygdales et aux végétations afin de mesurer les bénéfices et conséquences d’un tel geste.
Les adultes peuvent aussi être opérés des amygdales, notamment en cas d’apnée du sommeil. Cet article s’applique aussi à eux, ils peuvent donc consulter l’orthophoniste.