Le parent ou l’adulte qui le nourrit peut être angoissé de ces réactions, pensant au risque d’étouffement (fausse route). Mais un enfant qui tousse en mangeant fait-il une fausse route ? La toux peut-elle avoir une autre origine qu’un problème de déglutition ?
Qu’est-ce que la déglutition ?
Pour avaler, notre bouche et notre gorge doivent enchaîner plusieurs petits mouvements complexes afin d’emmener les aliments jusqu’à l’estomac. C’est la déglutition.
Les mouvements de la déglutition commencent à apparaître vers 12 semaines de vie intra-utérine. Un entraînement va ensuite se dérouler le reste de la grossesse pour que tout soit opérationnel à la naissance. Dès sa première heure de vie, le nouveau-né sera capable de téter et d’avaler le lait qui lui est proposé.
3 étapes
- La première est la phase orale. C’est le moment où le bébé tète pour extraire le lait du sein ou du biberon. Chez un enfant ou un adulte, c’est le moment où l’aliment est mis en bouche puis mastiqué et mélangé à la salive. À la fin de l’étape, les aliments doivent être bien écrasés et mélangés à la salive. C’est ce qu’on appelle un bol alimentaire homogène.
- La deuxième étape est la phase pharyngée. C’est le moment où le bol alimentaire (ou le lait chez le bébé) va être envoyé vers l’arrière gorge pour être avalé. C’est l’étape la plus complexe car le bol alimentaire emprunte un vrai labyrinthe.
Un premier carrefour se présente dès l’arrière gorge (pharynx). Deux chemins sont alors possibles. Un chemin qui remonte vers le nez et un autre qui descend vers l’estomac. Pour éviter que les aliments ou les liquides ne remontent vers le nez, un muscle va se contracter : le voile du palais. Ce muscle se situe dans le palais mou et ferme le passage vers le nez. On le reconnaît par la luette située à son extrémité. Les aliments descendent alors naturellement vers le bas.
Un deuxième carrefour décisif se présente, le carrefour aéro-digestif. Deux chemins sont possibles. Le trajet digestif mène à l’estomac puis aux intestins. Le trajet respiratoire mène au larynx puis aux poumons. Pour éviter que le bol alimentaire ne passe dans la voie respiratoire, un «couvercle» se pose sur le larynx pour en fermer l’accès. C’est l’épiglotte.
- La troisième et dernière étape est la phase œsophagienne. Une fois que le bol alimentaire passe le carrefour aéro-digestif, il entre dans un long tuyau qui le mènera jusqu’à l’estomac. C’est l’œsophage.
Le contrôle du cerveau
Dans ces 3 phases, seule la phase orale est volontaire, c’est-à-dire que la personne contrôle les mouvements de sa bouche pour préparer les aliments à être avalés. Chez le bébé, les mouvements de succion seront d’abord non contrôlés, c’est-à-dire “réflexes”, pendant environ les 6 premiers mois de vie. Les mouvements deviendront peu à peu contrôlés grâce au cerveau. Les deux autres phases, pharyngée et œsophagienne sont automatiques, c’est-à-dire non contrôlées. À partir du moment où nous décidons de déglutir, la suite ne nous appartient plus. C’est le cerveau qui prend le relais en automatique (système neurologique). Nous maîtrisons donc la mise en bouche, la mastication, le déclenchement de la déglutition mais pas le reste.
Il est possible qu’un des mécanismes soit perturbé, entraînant un passage d’aliments dans les voies respiratoires. C’est la fausse route.
La fausse route, dans quelles situations ?
Au moment de la 2ème phase, la phase pharyngée, il peut arriver que le bol alimentaire passe dans les voies respiratoires. C’est ce qu’on appelle la fausse route.
Chez le bébé, les difficultés de déglutition du lait peuvent être dues à un biberon ou à un sein donnés en position trop horizontale. Cela gène le mouvement de l’épiglotte qui ne peut plus protéger les voies respiratoires. Il y a un risque de passage de lait vers les poumons. La position allongée limite aussi la mobilité de la bouche. Le bébé a alors des difficultés à enchaîner les mouvements de déglutition. Une tétine percée ou à gros débit entraîne une arrivée trop rapide du lait. Lors d’un allaitement maternel, le lait peut arriver très vite et en grande quantité. C’est le réflexe d’éjection fort. Le bébé n’arrive pas à déglutir assez vite. Parfois ces difficultés sont liées à une immaturité du bébé qui a une succion peu efficace. Les mécanismes de déglutition sont encore peu synchronisés. C’est le cas chez certains bébés, nés prématurés ou dans d’autres situations médicales (maladies neurologiques, malformations digestives). Dans ce cas, une alimentation artificielle peut être proposée.
Chez l’enfant plus grand sans maladie diagnostiquée, la fausse route est extrêmement rare. Pour autant, il faut toujours surveiller un enfant qui mange et ne pas lui donner des petits aliments durs, arrondis sans les couper (cacahuètes, bonbons, tomates cerises, raisins). On peut lui proposer par petites bouchées. En effet, la motricité de la bouche de l’enfant est mature vers 7 ans. Avant cet âge, il faut rester vigilant. Une maladie neurologique ou un syndrome augmente le risque de fausse route chez l’enfant, car le contrôle de la déglutition est plus fragile.
La toux : un des signes d’une fausse route
En cas de fausse route, l’enfant est en difficulté respiratoire car les aliments viennent boucher les voies aériennes. La toux peut alors être un signe parmi d’autres. Des mouvements anormaux de la cage thoracique peuvent être présents. C’est ce qu’on appelle le tirage. C’est un signe d’augmentation importante du travail respiratoire. En cas de fausse route franche, un arrêt total de la respiration peut être noté, entraînant la nécessité d’une intervention rapide. Dans d’autres cas, les fausses routes sont dites “silencieuses” car l’enfant ne s’arrête pas de respirer ou ne tousse pas. Ce sont les infections répétées des poumons qui montreront que la déglutition n’est pas efficace.
La toux : un signe d’hypersensibilité ou de difficulté motrice
La toux de l’enfant qui mange peut être un signe de difficulté sensorielle. En effet, pour manger, l’enfant utilise les mouvements de sa bouche pour écraser puis avaler les aliments. Il utilise aussi sa sensorialité pour détecter des différences de textures, de températures, de goûts. Si l’enfant a une sensibilité importante dans sa bouche (hypersensibilité), il peut réagir de différentes manières.
La toux peut être un signe de réaction face à un changement de texture. Par exemple, un enfant qui mange une texture lisse puis une texture plus granuleuse peut se mettre à tousser. La toux peut être légère ou forte et accompagnée d’autres signes de réaction sensorielle. Il peut avoir les yeux qui pleurent, un haut-le-cœur, des frissons. C’est ce qui se passe lorsque le parent propose du citron ou de la moutarde à son enfant.
Toutes ces réactions sensorielles sont normales et nécessaires jusqu’à une certaine limite. Elles ne doivent pas envahir les repas de l’enfant, être présentes à chaque cuillère ou à chaque bouchée. Il est important que l’enfant reste dans le plaisir de manger. Pour apaiser les réactions de l’enfant face aux nouveautés, on continue à lui proposer une alimentation variée. Il ne faut pas mettre de côté ce qui provoque les réactions mais les proposer de manière amusante, en faisant avec l’enfant.
Si l’enfant présente une immaturité de la motricité de sa bouche, il peut parfois avaler “tout rond” ou aspirer certains aliments. Il avale alors que le bol alimentaire n’est pas prêt et mal mastiqué, ce qui peut entraîner une toux. Dans ce cas, il est important de proposer une texture adaptée, plutôt molle chez l’enfant petit et peu à peu croustillante et croquante. Les morceaux à risques seront coupés en petites bouchées.
La toux: un signe de Reflux Gastro Oesophagien (RGO)
Le RGO est une remontée du contenu de l’estomac qui est souvent très acide. Le RGO est dit physiologique, c’est à dire normal avant l’âge de 1 an. Il faut souvent attendre que l’estomac soit plus mature pour que les choses s’apaisent.
Parfois, l’enfant qui grandit garde un reflux qui peut nécessiter un suivi médical. La toux peut être un des signes d’inconfort digestif. Cette toux arrive en milieu de repas, lorsque le bol alimentaire commence à être digéré. Elle peut aussi exister à distance des repas et particulièrement la nuit lorsque l’enfant est en position horizontale. Le contenu de l’estomac remonte alors plus facilement vers les voies respiratoires ce qui entraîne une toux ou une envie de boire répétée.
De simples aménagements comme relever le haut du corps de l’enfant pendant la nuit, éviter les contenus trop liquides ou trop acides avant le coucher peuvent suffire à arranger la situation. Il est parfois nécessaire de mettre en place un traitement médicamenteux si le reflux est considéré comme pathologique par le médecin.
Que faire en cas de toux ?
Si l’enfant est en détresse respiratoire avérée, appelez le 15 ou le 18 et appliquez les gestes de premiers secours adaptés aux enfants.
Si la toux est occasionnelle et que l’enfant ne montre pas de détresse particulière, l’adulte pourra l’accompagner sans paniquer en l’invitant à reprendre sa respiration tranquillement.
Si la toux est fréquente et que cela inquiète l’entourage, il est possible d’aller voir une consultante en lactation en cas d’allaitement maternel. Dans tous les autres cas, le médecin traitant peut être consulté. Il jugera de la nécessité d’orienter vers un orthophoniste afin d’évaluer la situation du repas et notamment la déglutition. L’orthophoniste pourra déterminer si la toux est reliée à un trouble de la motricité de la bouche, de la déglutition (dysphagie) ou plutôt à une hypersensibilité orale. Si la situation médicale de l’enfant le nécessite, le médecin pourra prescrire également une évaluation de la déglutition par radio cinéma afin d’observer les mécanismes de la déglutition par imagerie.
Modifications pour aider le mécanisme de déglutition
Chez le bébé ou chez l’enfant plus grand, il faut éviter toutes les positions de tête vers l’arrière ou sur les côtés. Cela gêne la déglutition et entraîne un risque de fausse route.
Chez le bébé, la prise du biberon ou du sein se fera en position semi assise si la déglutition est fragile. Un environnement calme est préconisé pour permettre au bébé d’être détendu et de ne pas regarder autour de lui pendant la prise alimentaire. Le débit de la tétine sera revu si nécessaire.
Chez l’enfant plus grand, on évitera que le regard soit attiré vers le haut ou sur les côtés (télévision) pour aider la déglutition. La mastication est acquise à partir de 2 ans mais comme indiqué précédemment, la motricité de la bouche de l’enfant est optimale vers 7 ans. On propose donc des petits morceaux faciles à mastiquer. Le bol alimentaire sera ainsi plus simple à avaler.
Si la toux semble être reliée à une cause sensorielle de changement de texture, il ne faut pas arrêter de proposer les aliments. L’objectif est de permettre à la bouche de l’enfant de s’habituer. Il faudra simplement en donner moins, peut-être les associer à un aliment que l’enfant aime bien.
La déglutition est complexe. Elle nécessite la coordination de plusieurs mécanismes contrôlés par le système neurologique de l’enfant. Il arrive qu’elle soit perturbée et que le bol alimentaire emprunte la voie respiratoire au lieu de la voie digestive. C’est la fausse route. L’enfant peut montrer des signaux variés face à cette situation : arrêt respiratoire, toux, température élevée à cause d’une pneumopathie.
Mais la toux n’est pas toujours synonyme de fausse route. Elle peut être aussi la conséquence d’une hypersensibilité ou d’une difficulté de motricité orale. La bouche réagit alors à un changement de texture ou de température sans difficulté pour avaler. En cas d’immaturité de la motricité, elle peut avoir des difficultés à mastiquer et à avaler certaines textures.
La toux peut également être le signe d’un inconfort digestif en cas de Reflux Gastro Oesophagien.
Il est important de connaître l’existence de tous ces signes et de savoir comment aménager le temps de repas de l’enfant pour prévenir les risques de fausses routes et accompagner les difficultés sensorielles, motrices et digestives.