Le quotidien de Hugo et de ses parents
Hugo a bientôt trois ans et ne dit aucun mot. Pour s’exprimer, il crie et ses parents ne le comprennent pas. À chaque sortie en famille, c’est difficile. Quand c’est l’heure de rentrer, il se roule par terre, pleure et ne veut plus bouger. Ses parents le préviennent, lui expliquent qu’il faut rentrer mais il ne veut rien entendre. Cela engendre de la frustration chez Hugo, mais aussi chez ses parents. Sa maman ne l’emmène plus faire les courses, il ne supporte pas les bruits, la lumière et l’agitation des magasins. Son père le balade en poussette car Hugo peut se mettre en danger à tout moment. Il passe pour un enfant capricieux et mal élevé aux yeux des autres. Ses parents se sentent jugés par leur entourage. Tout le monde est désemparé face à cette situation. Ils ne savent plus quoi faire et n’osent plus sortir en public. Cette situation les isole socialement et ils partagent moins de moments avec leurs amis et leur famille. Ils craignent également que Hugo ne soit pas accepté à sa première rentrée scolaire.
Pourquoi Hugo réagit comme ça ?
Sans langage, Hugo ne peut pas partager ses envies et ses émotions. Il est dans une impasse pour communiquer avec les autres. Le plus souvent, il pleure, tape ou crie pour marquer son désaccord ou sa difficulté à ne pas être compris. C’est ce qu’on peut appeler « l’intolérance à la frustration ».
Tous les jours, c’est un éternel recommencement. À chaque sortie, chaque activité, quelle que soit la personne, quand Hugo veut quelque chose, il crie et se roule par terre. Cela prend de longues minutes pour qu’il puisse se calmer, parfois en vain. Il est rarement capable de montrer ou d’exprimer ce qu’il souhaite pour se faire comprendre. Il n’a trouvé que les cris et l’agitation pour communiquer. Malheureusement, le plus souvent ça ne fonctionne pas et personne ne se comprend. Les parents de Hugo connaissent très bien leur fils. Ils agissent au plus vite pour répondre à ses besoins. Ils font le maximum pour prendre soin de lui.
Ils entendent des critiques sur leur manière d’agir : « tu fais tout à sa place, laisse-le pleurer, il va bien finir par vouloir parler, c’est ta faute, tu ne lui laisses pas le temps de demander ».
Même si ses parents connaissent très bien Hugo et ses habitudes, il arrive qu’ils ne le comprennent pas et la situation devient vite ingérable. Hugo est déçu et en colère que ses parents ne répondent pas à ce qu’il veut. Il est frustré que ses parents ne le comprennent pas. Ses émotions l’envahissent et débordent, ce qui engendre ces situations de crise pouvant aller jusqu’à des gestes agressifs ou de mise en danger.
C’est quoi la frustration ?
C’est un mélange de colère, de tristesse et d’impatience. Tout le monde en ressent, plus ou moins fortement. Chacun de nous apprend petit à petit à la gérer. C’est un grand et long apprentissage pour tous les enfants. Cela peut venir de quelque chose que l’on veut mais que l’on n’obtient pas. Cela peut aussi venir du fait de ne pas être compris. Chaque enfant réagit différemment mais pour certains, ce sentiment est insupportable et ils « explosent ». Ils vont alors crier, taper, pleurer, mordre, se rouler par terre.
Chez les plus petits, la gestion de la frustration est toujours difficile. Plus on l’apprivoise, plus on parvient à gérer ses émotions. Mais certains enfants n’y parviennent pas car ils ne peuvent pas s’exprimer comme ils le souhaiteraient. Dans la vie de tous les jours, ces situations peuvent revenir très souvent : à la maison, à l’école ou à la crèche, en sortie, ce qui gâche les moments avec les autres. Les parents se demandent même si Hugo vit de bons moments. Comment l’aider et retrouver un peu de sérénité avec les autres ?
Quelques repères de langage
Aux environs de deux ans, l’enfant doit pouvoir exprimer au moins par un mot ce qu’il veut. Quand il n’a pas le mot, il peut montrer pour faire comprendre à l’autre ce qu’il souhaite. Dans certaines situations, l’adulte ne comprend pas toujours ce que dit l’enfant et c’est normal. À trois ans, la plupart des enfants expriment ce qu’ils souhaitent par de petites phrases.
Comment aider Hugo ?
Tout l’environnement autour d’Hugo peut aider, chacun à son niveau : la famille, la nounou, les amis, la maîtresse et les parents.
- Pour aider l’enfant à se faire comprendre, on peut lui proposer de choisir ce qu’il veut (entre deux desserts, entre deux jeux, par exemple) pour lui montrer qu’il est capable de faire des choix. Hugo ressent qu’il peut donner son avis et être compris. Il entre enfin dans la communication avec les autres. Toutes les situations de la vie quotidienne peuvent nous permettre de le rendre acteur de ses choix même sur des choses qui nous semblent anodines.
- Nous sommes parfois tentés de passer à autre chose ou de faire semblant d’avoir compris pour « gagner du temps ». Bien souvent, on ne gagne pas de temps et la crise s’installe. Plus ces situations se répètent et plus la relation de communication se détériore. Il est important de dire à l’enfant qu’on ne comprend pas ce qu’il veut nous dire mais que l’on va essayer ensemble de trouver.
- À la maison, on peux proposer des photos (des jeux préférés, des lieux habituels, des personnes de l’entourage) pour que l’enfant puisse s’en servir pour s’exprimer. On peut aussi proposer un calendrier de la semaine avec des photos pour montrer ce qu’il va se passer. Ces outils permettent à Hugo de mieux comprendre les situations et d’anticiper les changements.
- L’adulte doit aussi faire attention à se placer en face de l’enfant, à sa hauteur. On peut ralentir notre rythme de parole. Parfois, l’adulte veut tellement bien faire qu’il parle beaucoup à l’enfant. Mais les phrases longues et complexes n’aident pas l’enfant en difficulté à comprendre. L’adulte peut faire des phrases simples : une phrase de quelques mots simples. C’est vraiment important pour Hugo, les phrases simples l’aident à se concentrer sur l’essentiel. À ne pas mélanger avec le « parler bébé ». « Tu veux dodo ? » n’est pas adapté aux enfants car il ne donne pas le bon modèle. « tu veux aller dormir ? » sera plus facile à comprendre pour Hugo.
- On peut utiliser le « parler maman » : adapter sa voix sur un ton plus doux, mélodieux, calme et avec une articulation exagérée.
Il est nécessaire de consulter son médecin généraliste ou son pédiatre pour demander de vérifier l’audition de l’enfant auprès d’un ORL. Puis, il est important de consulter un orthophoniste.
A quoi sert l’orthophonie ?
L’orthophoniste va évaluer les compétences d’expression, de compréhension et la communication de Hugo. Il va poser un diagnostic orthophonique et va accompagner l’enfant dans l’émergence et l’évolution de son langage. Il va également être là pour écouter et conseiller toute la famille. Il est bénéfique, dans un premier temps, de proposer à Hugo un autre mode de communication pour lui permettre de pouvoir s’exprimer. L’orthophoniste proposera des images, des pictogrammes ou encore des signes pour augmenter et améliorer les échanges. Avec ces outils, Hugo va aussi travailler sa compréhension. Ils vont permettre à chacun de retrouver une communication efficace et plus sereine. En parallèle, l’orthophoniste va travailler à l’émergence des mots si cela est possible. Si l’enfant va à la crèche, chez l’assistante maternelle ou à l’école, il est important que le mode de communication retenu soit utilisé dans tous ses lieux de vie afin qu’il l’intègre mieux à son quotidien et donc l’utilise plus. Si l’enfant ne voit pas les autres utiliser son mode de communication, il ne le comprendra pas et s’en désintéressera. Hugo travaillera également les compétences communicationnelles. Il est important que Hugo regarde dans les yeux, montre du doigt et comprenne le tour de parole pour que les échangent gagnent en qualité.
Si un enfant ne peut pas montrer ou dire un mot quand il veut quelque chose, il est important de demander à son médecin que son audition soit vérifiée chez un ORL. Ensuite des soins orthophoniques seront nécessaires pour lui permettre de trouver le moyen de communiquer avec son entourage et d’éviter les situations d’incompréhension et de frustration. Cette rééducation implique toutes les personnes qui interviennent auprès de lui.