Léandre, 10 ans, est en CM2. Il a des bonnes notes en dictée de mots, à ses contrôles de grammaire et de conjugaison et il apprend consciencieusement ses leçons avec l’aide de ses parents ou pendant le temps d’aide aux devoirs. Mais, quand il écrit un texte assez long comme une dictée non préparée ou une courte rédaction, il fait de nombreuses fautes d’orthographe sur ces notions. Il n’arrive plus à appliquer les règles apprises, se souvenir de la bonne orthographe d’un mot. Il ne trouve pas de fautes quand il se relit et donc n’arrive pas à se corriger.
L’apprentissage des leçons
L’apprentissage des nouvelles notions de grammaire, des conjugaisons et des dictées de mots se passe plutôt bien : Léandre les comprend quand son enseignant les présente, il réussit les exercices en rapport avec chaque nouvelle leçon, les révisions à la maison sont faciles et ne lui prennent pas beaucoup de temps. Les contrôles sur un point précis sont réussis, il obtient toujours de bonnes notes ou appréciations. Par exemple, il connaît par cœur les terminaisons de l’imparfait, sait qu’il faut accorder l’adjectif en genre et en nombre avec le nom qu’il qualifie et a mémorisé que «bientôt» s’écrit B-I-E-N-T-Ô-T.
Mais une fois la leçon passée, c’est comme s’il l’avait oubliée. Ses parents ne comprennent pas pourquoi il fait autant de fautes pour des choses apprises et a priori maîtrisées. Léandre est désemparé et commence à se décourager. Il se dit que le français est une langue trop difficile et qu’il ne sera jamais bon en orthographe.
Qu’est-ce que ça veut dire «être bon en orthographe» ?
Une orthographe efficace et de bon niveau est attendue pour l’entrée en sixième. Cela signifie que les conjugaisons les plus communes sont maîtrisées, ainsi que les accords des groupes nominaux. L’enfant est capable de repérer le sujet, le verbe et les principaux compléments dans une phrase, même longue ou complexe, et les accorder en conséquence.
L’orthographe lexicale, qui concerne la manière dont s’écrivent les mots, doit être satisfaisante : l’enfant a automatisé l’orthographe de nombreux mots. Par exemple, il connaît un grand nombre de mots qui ont un -t muet à la fin et a compris pourquoi : il y a un «t» muet dans «petit» parce qu’on dit «petite». Il connaît aussi la plupart des préfixes et des suffixes et sait à quoi ils servent et comment ils s’écrivent.
Seuls les mots qu’il ne connaît pas ou n’a jamais rencontrés à l’écrit peuvent poser problème et être mal orthographiés, ce qui est normal. Mais il peut faire des liens entre le mot nouveau et les mots maîtrisés qui pourraient avoir un point commun avec lui. Ainsi, même s’il ne sait pas écrire «parfait», il peut se dire qu’il y a un «t» muet à la fin puisqu’on peut dire «parfaite».
Être bon en orthographe ne signifie pas posséder une orthographe parfaite : de nombreux adultes commettent encore des erreurs et certaines règles du français demeurent compliquées. Personne ne connaît l’orthographe de tous les mots et tout le monde fait des erreurs de grammaire. L’important est d’avoir compris et automatisé les règles les plus communes pour pouvoir écrire rapidement, sans se poser trop de questions sur l’orthographe et pouvoir se concentrer sur ce que l’on veut écrire plutôt que sur la façon dont on l’écrit.
Faire la distinction entre une faute et une erreur
À l’école, les enseignants disent à Léandre qu’il fait des fautes et ses parents lui disent la même chose à la maison. Mais on lui dit rarement qu’il commet des erreurs.
Quelle est la différence entre une faute et une erreur ?
Alors qu’on a tendance à beaucoup l’utiliser, le terme «faute» est souvent moins bien perçu que le terme «erreur» : on apprend de ses erreurs mais on ne dit jamais qu’on apprend de ses fautes. Faire des erreurs permet d’avancer, de comprendre pourquoi on s’est trompé et donc de se corriger. Alors que faire une faute, c’est enfreindre une règle, délibérément ou non ; une faute d’orthographe se corrige mais ne permet pas de progresser dans les apprentissages ni de comprendre pourquoi on l’a faite. Il est préférable de parler d’erreur plutôt que de faute et d’expliquer à l’enfant pourquoi il s’est trompé tout en l’aidant à se corriger.
Une manière de faire moins d’erreurs est de ne pas se lancer trop vite dans la rédaction d’un écrit.
Avant d’écrire, réfléchir à ce que l’on va écrire
L’enfant doit préparer ce qu’il souhaite écrire : respecter la consigne ou l’objectif du travail, réfléchir au contenu et l’organiser. Cette étape est indispensable quand on écrit une lettre, une rédaction ou quand on prépare un exposé. C’est ce que l’on appelle la planification. Il s’agit de garder en tête pendant tout le temps du travail ce que l’on a prévu d’écrire. La planification permet de respecter l’objectif à atteindre et de ne pas s’éparpiller. Planifier n’empêche pas de modifier car il faut aussi être capable d’adapter son texte et le rectifier si besoin. Par exemple, si on souhaite ajouter un élément, il faut savoir où le placer et donc remanier l’organisation en conséquence.
Écrire un texte demande des compétences, dont le geste d’écriture
Produire un écrit (une rédaction, une dictée, un courrier) implique la maîtrise de nombreuses compétences qui fonctionnent simultanément. Tout d’abord, il faut être à l’aise avec le geste graphique c’est-à-dire la tenue du crayon et le tracé des lettres. Si le geste est automatisé, le cerveau n’a plus besoin de penser à la manière dont on forme les lettres et comment on les enchaîne. Cela le libère pour une autre tâche, plus complexe au niveau cognitif, comme par exemple, réfléchir à l’orthographe des mots.
Il est possible d’écrire sur l’ordinateur quand l’écriture avec un stylo est trop lente et laborieuse. Mais il faut que l’utilisation du clavier soit facile, sinon l’enfant risque de passer trop de temps à chercher les lettres et donc il peut oublier ce qu’il voulait écrire et se fatiguer. La maîtrise du clavier demande donc aussi un apprentissage.
La production écrite
Une fois le plan prêt, il est temps d’écrire. Maîtriser le geste d’écriture est important, mais la rédaction d’un écrit demande aussi de faire attention à beaucoup d’éléments en même temps : l’orthographe lexicale (c’est-à-dire comment s’écrivent les mots), le respect des règles grammaticales et de conjugaison. Il faut donc savoir repérer les verbes, les sujets contenus dans la phrase. En même temps, l’enfant doit garder en mémoire ce qu’il a prévu d’écrire pour atteindre son but. Il est essentiel de ne pas oublier le mot en train d’être écrit, ni la phrase dans laquelle il s’insère, ni le contenu global qui sera formé par l’enchaînement des phrases.
Pour un enfant en plein apprentissage de toutes ces notions, la production écrite constitue une tâche difficile. Dans le cas de Léandre, c’est encore plus compliqué car il ne parvient pas à tout prendre en compte en même temps : s’il fait attention à l’orthographe d’un mot, il «oublie» de faire attention à la terminaison d’un verbe et inversement. Ou alors il confond ce qu’il a appris et se trompe entre les terminaisons des verbes et des noms. S’il réussit à respecter et appliquer les règles qu’il a apprises, il est plus lent que ses copains et termine après tous les autres. En plus des règles à respecter, Léandre doit aussi faire correspondre les sons présents dans les mots (on parle de phonèmes) avec leur orthographe. Par exemple, s’il veut écrire le mot «voiture», il doit le décomposer en phonèmes : /v-oi-t-u-r/ pour pouvoir l’écrire sans oublier de sons ni les confondre. En français, un même son peut s’écrire de plusieurs manières différentes (comme «o» qui peut s’écrire «o», «au», «eau»), ce qui complique d’autant le travail d’écriture.
«Relis-toi» : comment se relire et se corriger ?
Souvent, quand il a fini son travail, les parents de Léandre lui demandent de se relire, pour corriger ses fautes. Alors, il le relit mais ne trouve presque aucune erreur. En fait, il ne sait pas par quoi commencer, il a du mal à s’organiser, ce qui l’empêche de se corriger. Pour l’aider, ses parents peuvent lui proposer de mettre en place une stratégie de relecture, en lui demandant de relire plusieurs fois son texte et en ne surveillant qu’un seul point à chaque relecture.
Par exemple, la première lecture sert à repérer et corriger les mots issus de la liste de mots donnés par l’enseignant. Une deuxième lecture sert à repérer les verbes et corriger les terminaisons. Une dernière lecture sert à repérer les groupes du nom pour respecter les accords.
Ces relectures prennent du temps mais elles peuvent devenir une routine qui permettra à Léandre de mieux appliquer ce qu’il a appris. Avec le temps, les relectures seront plus rapides et l’aideront à acquérir une méthode de travail efficace.
Et si c’était un trouble ?
Malgré les différentes aides apportées, Léandre ne parvient toujours pas à écrire un texte ou une dictée sans faire de nombreuses erreurs ou alors, il est très lent. Il ne parvient pas non plus à les corriger ou confond les règles d’orthographe et de grammaire. Un bilan chez l’ophtalmologue ainsi qu’un bilan orthoptique ont été réalisés l’année dernière ; depuis, Léandre porte des lunettes mais il n’a pas progressé. Cela commence à lui porter préjudice. Ses parents se questionnent et se demandent s’il ne serait pas dyslexique-dysorthographique (Trouble Spécifique du Langage Ecrit avec ou sans trouble de la compréhension orale) et ne présenterait pas un trouble du neuro-développement (TND).
En cas de difficultés persistantes comme chez Léandre, un bilan orthophonique pourrait être indiqué pour faire le point sur ses difficultés et compétences, émettre un diagnostic, proposer une prise en soins orthophonique et des aménagements pédagogiques.
Quand un enfant écrit, s’il a des difficultés à appliquer les règles du français, alors qu’il apprend ses leçons et réussit ses exercices, c’est sûrement parce que cela lui demande trop d’efforts cognitifs et qu’il a du mal à s’organiser. Tout s’embrouille dans sa tête et il ne sait plus quelle règle de grammaire est la bonne ni dans quelles conditions elle s’applique. Il peut s’améliorer et faire plus attention à ce qu’il écrit grâce à une relecture organisée de sa production écrite. Faire des exercices de conjugaison, d’analyse grammaticale (repérer les verbes, les sujets, les adjectifs et les accorder) et des dictées de mots régulièrement pendant une durée limitée aide à automatiser les règles et donc à mieux orthographier. Si l’orthographe ne montre aucune amélioration, un bilan orthophonique est à envisager pour diagnostiquer un éventuel trouble des apprentissages.