Que signifie réellement cette phrase ? Peut-on ne RIEN manger ? Que faire quand un enfant refuse de se nourrir ?
Les troubles d’alimentation de l’enfant sont un motif fréquent de consultation médicale, quel que soit son âge. Voir son enfant ne pas manger est anxiogène. Cela peut entraîner beaucoup de questions et de culpabilité chez les parents. Si l’un des deux parents ou un aîné de la fratrie a déjà connu des difficultés alimentaires, le niveau de stress est alors à son maximum et les parents ne savent parfois plus que faire. Ils se tournent alors souvent vers le corps médical : c’est une bonne idée.
Quand un parent dit que son enfant « ne mange rien », qu’est-ce-que ça veut dire ?
Tout d’abord, il est intéressant de s’interroger sur cette phrase. Cesser totalement de s’alimenter est quelque chose de grave qui conduit à l’hospitalisation de l’enfant. C’est heureusement très rare. Pour compenser l’arrêt de l’alimentation par la bouche, les médecins vont avoir d’autres façons de nourrir l’enfant. Le plus souvent, quand on dit « mon enfant ne mange rien », cela peut avoir plusieurs significations :
- mon enfant mange beaucoup moins que d’habitude
- mon enfant refuse ce que je lui ai préparé -mais peut vouloir autre chose
- j’ai constaté que mon enfant mange moins que les autres enfants du même âge
- l’entourage (grands-parents, assistante maternelle, crèche) m’alerte sur les faibles quantités que mange mon bébé, moi je n’ai pas vraiment remarqué.
Quand je dis “il ne mange rien” en réalité cela signifie…
Depuis quelques jours, mon enfant mange très peu, c’est arrivé soudainement
L’arrêt de l’alimentation, ça s’appelle l’anorexie (a = sans / orexis = appétit, désir de nourriture). Attention, on ne parle pas ici d’anorexie mentale qui est une pathologie psychiatrique avec une image du corps qui est atteinte mais de l’arrêt momentané des prises alimentaires. Le plus souvent, cela survient dans un cadre infectieux : l’enfant est malade, il ne veut plus rien avaler. Cela nous arrive à nous aussi. Si nous sommes fiévreux, très enrhumés, ou -encore pire- si nous avons une gastro-entérite, nous pouvons refuser de manger, et même sauter plusieurs repas. On parle ici de quelque chose de transitoire mais qui peut parfois paraître interminable ! Le mot “anorexie” est d’ailleurs souvent marqué dans le carnet de santé quand l’enfant ou le bébé est malade et il affole les parents. L’anorexie du bébé ou de l’enfant est donc assez fréquente, passagère et liée le plus souvent à un contexte infectieux ou douloureux.
Si le bébé ou l’enfant a une otite, la grippe, la varicelle, un pied-main-bouche, il a mal et n’a parfois pas faim du tout. Dans ce cas, la prise alimentaire diminue rapidement et peut durer plusieurs heures ou plusieurs jours.
La plupart du temps, les médecins donnent des conseils aux parents :
- Il faut proposer à l’enfant ce qui lui fait envie et ce qui passe, même si ce n’est pas très équilibré
- L’hydrater très souvent
- Et prendre son mal en patience
Dans de rares cas, par exemple, s’il s’agit d’un très jeune bébé avec des problèmes de santé plus importants, une hospitalisation peut être proposée afin d’alimenter l’enfant différemment et de le surveiller.
Parfois, chez les enfants un peu plus grands, le refus alimentaire brutal peut survenir après un choc, en dehors de toute maladie : un aliment qu’on a avalé de travers, une souffrance psychologique après un traumatisme, un changement brutal du cadre de vie. Il est nécessaire d’en parler rapidement au médecin traitant ou au pédiatre pour savoir ce qu’il faut faire.
Mon enfant refuse souvent ce que je lui ai préparé… mais il peut manger autre chose
C’est très fréquent chez les enfants. Quand bébé est jeune, la diversification est parfois difficile. Quand il grandit, il peut devenir plus sélectif et vouloir choisir lui-même ses menus. Il va être parfois très pénible et ses refus alimentaires inquiètent ses parents, qui ne savent pas s’ils doivent forcer l’enfant ou le laisser choisir. C’est aussi un peu frustrant, quand on a passé du temps à cuisiner un bon petit plat, de voir qu’un enfant ne veut pas y toucher. La plupart du temps, l’enfant va se rattraper sur quelque chose qu’il aime. Il n’est pas rare que le parent donne deux desserts si le plat a été refusé ou qu’on retrouve un enfant en train de grignoter des gâteaux peu de temps après avoir boudé son dîner. Certains enfants vont pouvoir rester presque à jeun devant une assiette de haricots verts puis dévorer, lors du repas suivant, des coquillettes et un dessert au chocolat.
Parfois aussi, quand l’enfant est très jeune, les repas diversifiés qui ont été refusés sont compensés par de nombreux biberons… ce qui rassure les parents mais coupe aussi un peu l’appétit pour l’alimentation solide.
Si la situation perdure et impacte l’ambiance autour des repas, il est nécessaire d’en parler au médecin généraliste ou au pédiatre. Un accompagnement en orthophonie est parfois nécessaire, afin de déterminer s’il s’agit d’un trouble alimentaire pédiatrique ou d’une phase normale du développement de l’enfant, et de savoir comment réagir de façon adaptée.
Mon enfant semble moins manger que les enfants de son âge
Il est difficile -mais fréquent- de comparer l’alimentation des enfants. Dans une même famille, on a de gros mangeurs et des appétits d’oiseaux, des personnes qui aiment les féculents et d’autres qui pourraient se nourrir exclusivement de légumes. La quantité qu’on recommande à un âge donné est indicative, et les publications trouvées sur internet peuvent inquiéter les parents. « le site parle de 240ml de biberon, et mon bébé n’en boit que 180 ! Il a peut-être un problème ? – normalement un enfant de cet âge mange 50 gr de viande par jour, le mien n’en prend que 30 gr, est-ce dangereux ? ». Les recommandations sont importantes pour donner un ordre de grandeur, mais à prendre avec précaution : chacun a des besoins différents.
Il existe des profils alimentaires variés, dont certains qu’on qualifie de « petits mangeurs » et qui ne sont pas pathologiques. La croissance de l’enfant est un bon indice : si elle est régulière et que les repas se passent globalement bien, alors la plupart du temps il n’y a pas lieu de s’inquiéter même si l’enfant mange peu. Le profil « petit mangeur », appelé parfois « picky eater » est une particularité mais pas une maladie. Un enfant petit mangeur ne pose généralement aucune inquiétude médicale quand il continue à bien grandir et à développer toutes ses compétences.
En revanche, si la courbe de poids et/ou de taille change de couloir, les parents doivent en parler avec un professionnel de santé. Il y a de nombreuses raisons d’avoir des changements de courbe, un médecin généraliste ou spécialiste est un bon interlocuteur en première intention. Une courbe qui descend doucement mais nettement est parfois un signe d’alerte. En fonction de ses observations, s’il y a une inquiétude légitime, il existe des solutions : bilan nutritionnel par un diététicien, bilans biologiques, recherche d’allergies, bilan orthophonique etc.
Un enfant qui « ne mange rien », c’est heureusement très rare ; un enfant qui cesse réellement et totalement de se nourrir est pris en charge médicalement de façon urgente. Il est donc important, devant cette inquiétude parentale, de préciser exactement ce que l’on constate quand on dit « mon enfant ne mange rien » : « il mange moins qu’avant, il chipote, il a toujours eu un petit appétit, il sélectionne… ». Le médecin généraliste ou le pédiatre sont des interlocuteurs de choix face à ces observations et ils pourront orienter vers d’autres professionnels, car il existe des solutions pour accompagner les familles qui peinent à nourrir leur enfant. Un bilan et un suivi orthophoniques, par exemple, pourront être proposés, afin d’accompagner les familles qui rencontrent des difficultés alimentaires avec leur enfant. Les difficultés peuvent être très transitoires (par exemple après un virus) ou plus durables, comme dans les troubles alimentaires pédiatriques. L’orthophoniste est capable de poser un diagnostic et d’offrir une prise en charge adaptée.
L’alimentation, c’est un équilibre entre des aliments variés, en quantité suffisante, qui apportent de bonnes choses pour qu’un enfant grandisse régulièrement. Et la plupart du temps, c’est le cas !