La maîtresse signale que ma fille de 4 ans ne joue pas avec les autres enfants dans la cour.
Au lieu de cela, elle se cache dans des coins calmes jusqu’à la fin de la récréation. En classe, elle travaille bien et reste discrète. Cependant, le soir, elle fait de grosses colères difficiles à apaiser.
Elle parle très bien, elle a le vocabulaire d’un enfant plus âgé mais ne peut pas expliquer ce qui la bouleverse ou bien raconter sa journée, contrairement à son frère de 3 ans.

L’autisme

L’autisme est un trouble neurodéveloppemental. Il est caractérisé par des difficultés dans la communication sociale, des comportements et intérêts restreints et répétitifs. Actuellement, les critères de diagnostic reposent sur des recherches conduites chez les garçons. Les manifestations de l’autisme peuvent différer significativement entre les sexes. Les petites filles autistes peuvent présenter des signes plus variés et discrets que les garçons, mais aussi, parfois, présenter des caractéristiques très proches. Cet article explore ces manifestations subtiles chez les filles.

Manifestations de l’autisme chez les filles

Les petites filles autistes peuvent interagir socialement et nouer des amitiés plus facilement que les garçons. Toutefois, leurs relations peuvent être superficielles et basées sur l’imitation de comportements sociaux qu’elles ne comprennent pas bien. Elles peuvent avoir une amie préférée qui les aide à établir des relations ou être assez solitaires en raison de leurs échecs à nouer des contacts, ce qui peut les faire souffrir. Paradoxalement, elles peuvent aussi être très populaires.

Développement du langage

Les filles autistes peuvent développer un langage oral plus riche que les garçons mais les subtilités des interactions sociales leur posent des difficultés. Elles ont du mal à comprendre les expressions faciales, le ton de la voix et les émotions de leurs interlocuteurs. Cette difficulté à savoir quoi faire des émotions ressenties est souvent une grande source d’angoisse. Souvent, elles identifient, et elles ressentent même fortement, les émotions des autres, mais peinent à en identifier les causes et à déterminer comment soulager la personne en face d’elles.
Les aider à comprendre les émotions des autres, mais aussi les leurs, ainsi que leur proposer des stratégies pour y répondre (apprendre à consoler, utiliser son souffle pour s’apaiser, par exemple), peut être d’une très grande aide.

Jeux et intérêts

Les intérêts des petites filles autistes sont souvent plus classiques que ceux des garçons (poupées, chevaux, livres). Bien qu’elles puissent avoir des jeux imaginatifs plus élaborés, une observation attentive révèle des routines et des scénarios répétitifs. Elles peuvent être plus souvent soumises à une hypersensibilité sensorielle, rendant difficile de supporter les milieux agités et bruyants, comme les cours de récréation ou les cantines. Les jeux qu’elles ont développés peuvent être un véritable point d’appui pour leur apprendre à jouer avec d’autres enfants.

Réactions émotionnelles

Il arrive que les filles ne manifestent pas leur inconfort en public. Souvent hypersensibles aux bruits, aux touchers, en difficulté pour comprendre les interactions sociales, d’autant qu’elles sont nombreuses, rapides et dans des groupes, elles prennent sur elles pour se conformer aux attentes sociales qu’elles connaissent. L’épuisement occasionné par ces efforts peut engendrer des décharges sous forme de colères impressionnantes, de retour à la maison. Elles peuvent aussi présenter des particularités alimentaires en lien avec leurs perceptions sensorielles, impactant leur santé.
Les parents sont tout à fait légitimes pour évoquer d’éventuelles difficultés alimentaires auprès de leur médecin et chercher avec lui des solutions appropriées: il en existe beaucoup.

Stratégies de résilience

Certaines filles autistes développent des stratégies sophistiquées pour masquer leurs difficultés sociales. Par exemple, elles peuvent s’entraîner à exprimer des émotions devant un miroir ou répéter des dialogues de dessins animés dans leur vie quotidienne. Il arrive aussi qu’elles échouent à adopter les attitudes de tout le monde et présentent un comportement jugé étrange. Un environnement familial compréhensif et encourageant est crucial pour soutenir leur développement et renforcer leur confiance en elles.

Pression sociale et risques

Les filles autistes, en s’efforçant de se conformer aux attentes sociales, sont plus à risque de développer des troubles de l’humeur et des troubles anxieux. La pression sociale peut entraîner une fatigue sociale importante et une détresse accrue. Le manque de diagnostic et de soutien approprié peut mener à un isolement social, des difficultés à se défendre contre le harcèlement et une souffrance profonde.
La famille ne doit pas hésiter à alerter l’équipe enseignante dès qu’elle s’aperçoit de l’isolement ou du malaise de son enfant, d’autant plus que cela peut être masqué à l’école du fait des efforts de la fillette pour se conformer à ce qu’on attend d’elle.

Recherche et diagnostic

Les chercheurs travaillent à développer des outils de diagnostic prenant en compte les manifestations uniques de l’autisme chez les filles. À la date de rédaction de cet article, en 2024, ils nous manquent encore cruellement.
Avoir un doute et consulter des professionnels compétents est cependant crucial. Bien que le doute diagnostique puisse persister, les interventions précoces centrées sur la communication et le jeu améliorent les résultats chez les filles, minimisent les défis sociaux et renforcent leur confiance et bien-être. En effet, les signes identifiés indiquent où la fille a besoin d’aide et où on peut intervenir pour en réduire les conséquences pour elle.
Les parents peuvent faire appel aux orthophonistes, mais aussi aux psychologues spécialisés en autisme et aux équipes éducatives en mesure d’intervenir sur les lieux de vie et de scolarisation de leur fille.

Soutien parental

Les parents peuvent soutenir leur fille en observant les points suivants :

  • Observation et confiance : Avoir confiance dans leurs observations, car les filles peuvent masquer leurs difficultés en public et se dévoiler seulement à la maison.
  • Respect de la personnalité : Honorer la personnalité de l’enfant sans chercher à la rendre conforme aux autres.
  • Valorisation des intérêts : Les filles autistes ont parfois des centres intérêts plus typiques que ceux présentés par les garçons (les poupées, les chevaux, les livres, par exemple). Mais pas toujours non plus. En s’appuyant sur eux, on offre à la personne un contexte agréable sur lequel il est possible de s’appuyer pour développer les apprentissages, mais aussi les interactions sociales.
  • Repos sensoriel : Ménager des temps de repos sensoriels, comme un coin calme après l’école ou une activité physique pour décharger l’énergie.
  • Anticipation et parfois réduction du temps social : Anticiper les situations sociales difficiles et réduire le temps d’exposition sociale si nécessaire, comme éviter la cantine certains jours.
  • Explicitation des règles sociales : Rendre explicites les règles sociales, les causes et les conséquences des émotions. Il est possible d’utiliser des livres et des scénarios pour aider à comprendre et gérer les interactions sociales
  • Fourniture de scénarios sociaux : Donner des scripts sociaux qui sont comme des petits guides que les fillettes peuvent utiliser pour interagir avec leurs interlocuteurs.

Les filles peuvent présenter des signes typiques de ceux observés chez les garçons ou des signes très discrets qui font qu’on ne les repère pas au milieu des autres, mais qui les épuisent.
Même si le diagnostic peut être encore difficile à réaliser par manque d’outils adaptés aux filles, identifier leurs difficultés permet de les aider avec efficacité. On leur permet de comprendre leur propre fonctionnement, de savoir se protéger et se reposer quand c’est nécessaire, et surtout de vivre au milieu des autres.
Chaque trajectoire de vie sera différente, en fonction des forces et des défis de chacune, ainsi que des aides reçues, qui peuvent varier au fil du temps et des besoins.

Pour aller plus loin :

Un site internet : aspieconseil.com

La BD de Julie Dachez : La différence invisible, Editions Delcourt