Inès a 2 ans et demi. Son papa lui parle en arabe et sa maman en français. D’après sa maman, elle comprend tout ce qu’on lui dit dans les 2 langues mais parle peu, que ce soit en français ou en arabe. Sa maman est inquiète d’un éventuel retard au niveau du développement du langage et se pose la question de l’entrée en maternelle. Elle se demande aussi s’il ne faut pas que le papa arrête de parler en arabe à Inès pour qu’elle puisse faire des progrès en français. A la crèche, les professionnelles ne sont pas inquiètes car Inès n’est pas en retrait et joue bien avec les autres enfants. Elle se fait comprendre par de courtes phrases.
On peut avoir l’impression qu’un enfant bilingue connait moins de mots qu’un enfant monolingue. Si l’on prend l’exemple d’Inès, immergée dès sa naissance en français et en arabe, on remarque qu’elle comprend autant de mots en français qu’un enfant monolingue français et autant de mots en arabe qu’un enfant monolingue arabe. Par contre, si l’on compte les mots qu’elle prononce, on remarque alors des différences ; moins de mots en français qu’un enfant monolingue français et moins de mots en arabe. Mais si l’on regroupe le vocabulaire total (en français et en arabe), elle connait là typiquement plus de mots qu’un enfant monolingue. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter, d’autant plus que les professionnels de crèche ne sont pas inquiets ; Inès étant bien socialisée et communiquant par de courtes phrases.
Si elle s’était montrée renfermée, n’échangeant ni avec les professionnels, ni avec les autres enfants, n’émettant aucun mot ou presque, il s’agirait alors de consulter son médecin traitant en lui expliquant la situation. Celui-ci prescrira sans doute un « bilan orthophonique avec rééducation si nécessaire ». Ensuite prenez contact avec l’orthophoniste de votre choix.
La première rencontre avec l’orthophoniste consistera à comprendre la situation linguistique et culturelle (les langues dans lesquelles l’enfant est immergé, les interactions langagières, les cultures en présence), à connaître l’enfant et ses difficultés. Des tests seront réalisés, si possible dans les différentes langues dans lesquelles l’enfant est immergé, pour permettre de cerner son niveau langagier et d’évaluer s’il s’agit d’un retard langagier nécessitant un soin orthophonique ou simplement d’une exposition insuffisante à une des langues. En effet, un enfant qui n’entend pas ou peu le français dans son environnement familial va l’acquérir à la crèche ou à l’école maternelle. Cela lui prendra donc plus de temps pour s’exprimer dans cette langue qu’un enfant dont les parents parlent français à la maison. C’est normal et cela ne veut pas dire par ailleurs qu’il ne comprend pas le français. Ce cas de figure ne nécessite donc pas de soin orthophonique car il faut laisser le temps à l’enfant de se familiariser avec le français, tout en accueillant sa langue maternelle/familiale.
Solutions :
- Adressez-vous à votre enfant dans la langue qui vous vient spontanément, avec laquelle vous vous sentez le plus à l’aise pour communiquer, chanter des berceuses, raconter des histoires, etc. Cela peut être une langue familiale ou une langue de cœur. L’important est de communiquer au maximum et de ne pas se forcer à parler une langue dans laquelle on n’est pas à l’aise et que l’on ne maitrise pas suffisamment.
- Concertez-vous avec les professionnels de la petite enfance (crèche, école maternelle) pour accompagner votre enfant dans son passage d’une langue à l’autre, d’autant s’il va être immergé dans une nouvelle langue qu’il n’a jamais entendue. Il sera alors tout à fait normal que votre enfant soit silencieux et ait besoin d’un temps d’observation et d’investissement d’une nouvelle langue. Discutez avec eux dès l’entrée en structure de vos habitudes linguistiques et apprenez leur à prononcer le prénom de votre enfant de la manière la plus proche de la vôtre, ainsi que quelques mots-clés ou phrases pour répondre aux besoins de base de votre enfant : ex : manger, boire, dormir, papa/maman…
Tous les enfants ont leur propre rythme pour développer le langage, qu’ils grandissent avec une ou plusieurs langues. Habituellement, les premiers mots sont prononcés aux alentours de 1 an, que l’enfant soit exposé à plus d’une langue ou non. Un enfant est tout à fait capable de développer plusieurs langues simultanément.
S’il y a des troubles du langage, ce sont plutôt les conditions d’émergence et de développement du langage qui sont à considérer (et non le bilinguisme qui en est responsable).