L’ETP : est-ce que ça peut m’être utile ?

Hervé, mon compagnon, a été récemment hospitalisé en raison d’un accident vasculaire cérébral (AVC) lié à un problème cardiaque. Depuis, il travaille dur à sa rééducation et récupère progressivement ses capacités. Heureusement il a pu rentrer à la maison malgré des séquelles motrices (il a besoin d’une canne) et de communication (il est aphasique). Lors d’un rendez-vous avec son orthophoniste, elle nous a proposé de participer à un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP). Mais qu’est-ce que l’ETP, et en quoi cela peut-il aider Hervé à mieux vivre avec ses difficultés ?

Qu’est-ce que l’éducation thérapeutique du patient ?

L’éducation thérapeutique du patient ou ETP, est un dispositif conçu pour aider des personnes, et par ricochet leur entourage, à mieux vivre avec leur maladie chronique ou des séquelles de santé.

Les programmes d’ETP sont organisés dans les hôpitaux ou bien par des associations dans des lieux variés¹. Ils consistent en des ateliers visant le développement ou le renforcement de compétences essentielles pour faire face à la maladie au quotidien. Ces compétences incluent d’une part celles qui aident à s’adapter à la maladie, c’est-à-dire à mieux gérer ses impacts sur le plan émotionnel, physique et social. D’autre part, elles concernent l’auto-soin, c’est-à-dire les capacités à prendre soin de soi et à prendre des décisions pour sa santé. Hervé a besoin de se sentir en capacité d’expliquer ce qui lui est arrivé, ses troubles du langage, à ses interlocuteurs et son entourage. Il doit également trouver les meilleurs moyens pour doser ses efforts, savoir reconnaître les signes de fatigue, gérer ses traitements.

L’objectif de l’ETP

Permettre au patient d’être le plus autonome possible concernant ses soins et sa santé. Hervé pourra mieux comprendre sa condition, identifier des solutions pour améliorer le quotidien, et être acteur de son propre bien-être et de sa santé.

Les programmes sont organisés sous forme d’ateliers. Ces ateliers se passent généralement en petit groupe, mais des séances individuelles sont possibles. Ils sont animés par des professionnels de santé formés spécifiquement à l’ETP. Parfois des patients appelés « ressources » ou « experts » y participent, parce que leur expérience et la prise de recul sur leur parcours permet à tous de mieux comprendre et progresser. Il ne s’agit pas de cours magistraux, mais de méthodes interactives inspirées de la pédagogie de la santé (on part de ce qu’on sait déjà). Elles permettent d’augmenter la capacité à s’informer et à agir sur sa santé (ce qu’on appelle la littératie en santé). L’ETP comprend également des approches psychosociales qui permettent de mieux comprendre comment l’environnement et les émotions influent sur le bien-être et la qualité de vie.

Quels sont les bénéfices de l’ETP ?

Participer à un programme d’ETP peut transformer le quotidien des patients et de leurs proches. Ces programmes offrent un espace unique pour rencontrer d’autres personnes confrontées aux mêmes difficultés. Les participants partagent des astuces pratiques et trouvent du soutien moral, ce qui aide à rompre l’isolement souvent lié à la maladie.

La compagne d’Hervé se pose aussi beaucoup de questions sur comment communiquer avec lui, comment l’aider sans faire à sa place… Comprendre sa maladie aide à mieux la gérer, que ce soit pour anticiper les problèmes ou réagir efficacement en cas de besoin. Ces progrès bénéficient souvent à tout l’entourage du patient. Tout cela peut contribuer à renforcer l’autonomie d’Hervé et son indépendance dans la vie quotidienne. Ces ateliers sont une occasion supplémentaire de mieux comprendre les enjeux pour lui et sa famille, d’évoquer des freins et des obstacles et de trouver des ressources lui permettant de les dépasser.

L’ETP et la rééducation sont-ils compatibles ?

L’ETP ne remplace pas la rééducation, mais la complète. Elle vient souvent dans un second temps, une fois que la maladie est chronique et que certaines difficultés ont été identifiées.

Dans le cas d’Hervé, qui est rentré à la maison, l’orthophoniste a pensé à un programme spécialement conçu pour les AVC. Ce programme aborde, entre autres, les traitements médicamenteux (leur utilité, les actions à entreprendre en cas d’oubli), les stratégies pour gérer les troubles de communication (comment organiser les échanges quand il a du mal à se faire comprendre) et les bons réflexes en cas de complications (comme des problèmes de déglutition). Ces ateliers sont aussi l’occasion d’échanger avec d’autres personnes qui partagent des expériences similaires, de trouver des ressources personnelles qui fonctionnent, de se sentir moins isolés face à la maladie.

En pratique : comment se passe un programme d’ETP ?

Tout commence par un bilan éducatif partagé. C’est une sorte d’entretien dirigé avec un professionnel de santé. Lors de cette première rencontre, les besoins, les attentes et les objectifs personnels d’Hervé pourront être discutés. Les professionnels évaluent ce qui est connu de la pathologie, les représentations de chacun. C’est une étape cruciale, car elle permet de personnaliser le programme en fonction des priorités du patient.

Une fois le programme présenté, Hervé pourra choisir de s’engager ou non dans le programme, sans obligation de suivre tous les ateliers. Les activités peuvent inclure des discussions thématiques, des exercices pratiques ou des échanges d’expériences entre participants. Le contenu et le parcours sont adaptés au rythme et aux capacités de chacun, avec une grande souplesse pour s’adapter aux imprévus.

Le programme est gratuit, mais les frais de transport pour se rendre sur le lieu des ateliers ne sont pas pris en charge (ex : pas de VSL), ce qui peut être un frein pour certaines personnes. Dans le cas d’Hervé, c’est sa compagne qui viendra avec lui.

Une fois le programme terminé, une évaluation finale est réalisée pour mesurer les progrès et envisager d’éventuelles étapes supplémentaires.

Est-ce intéressant pour Hervé qui a du mal à parler ?

Pour Hervé, qui est aphasique, ces ateliers sont particulièrement utiles. Il est important qu’il puisse bénéficier de toutes les opportunités d’en apprendre davantage sur sa maladie puisque l’aphasie l’empêche d’accéder facilement à l’information. 

Le contenu des ateliers et les outils proposés doivent être adaptés à chacun. La participation des orthophonistes aux programmes est donc essentielle pour que des ateliers consacrés à la communication d’Hervé y soient, par exemple, proposés. Les supports pourront comporter davantage d’illustrations en accompagnement des textes ou des mots-clés. Par exemple, l’atelier sur les médicaments utilise des boîtes réelles pour rendre les explications concrètes et faciliter leur identification par toutes et tous.

Les professionnels qui animent les programmes d’ETP ont l’habitude de travailler avec des publics ayant des difficultés spécifiques. Ils utilisent des outils interactifs et adaptés, favorisant l’échange et l’apprentissage pratique. Il s’agit davantage d’échanger, de tester et de trouver ensemble des solutions aux problèmes rencontrés.

L’ETP en orthophonie

En orthophonie, l’ETP a toute sa place pour accompagner des pathologies spécifiques. Par exemple, des programmes sont conçus pour aider les adolescents dyslexiques à comprendre leurs difficultés et à développer des stratégies pour compenser leurs difficultés, tout comme pour les personnes qui bégaient. Des programmes sont aussi proposés aux personnes qui ont du mal à parler comme dans la maladie de Parkinson ou suite à un cancer de la gorge. De même, pour les personnes aphasiques après un AVC comme Hervé, les ateliers consacrés à la communication, proposés par des orthophonistes, sont particulièrement utiles.

Cependant, les publics vulnérables, comme ceux en situation d’isolement social ou qui ont des troubles du langage, participent encore trop peu à ces programmes. Il faut renforcer leur accessibilité pour leur offrir les mêmes chances de bénéficier des avantages de l’ETP.

1 Pour trouver quels programmes sont organisés dans votre territoire, allez sur le site de l’Agence Régionale de Santé (ARS) ou contactez le Centre Hospitalier (CH) le plus proche.