Le quotidien de Pierre
«Je dois passer des entretiens d’embauche. Mon zozotement ne me gène pas dans la vie de tous les jours mais je pense qu’il pourrait être un frein à mon recrutement. Comment modifier ma façon de prononcer ?»
Si certains petits défauts de prononciation nous font craquer chez les enfants, c’est beaucoup moins facile à vivre chez l’adulte qui zozote. Ce zozotement peut complexer et peut devenir un véritable handicap au travail. S’en débarrasser à l’âge adulte peut devenir plus difficile. Cette prononciation peut faire l’objet de moqueries.
Certains adultes décrivent une augmentation des troubles articulatoires à certains moments de la journée lors d’une réunion en visio où l’on se doit d’être encore plus clair qu’en présentiel. On retrouve cette situation également autour d’une table, lors de tours de parole en équipe. Les situations stressantes majorent le zozotement.
L’articulation, comment ça marche ?
Cette difficulté de prononciation vient le plus souvent d’une mauvaise position de la langue pour articuler, pour déglutir et pour se reposer bouche fermée. Tout se passe au même endroit. Quand la langue est bien positionnée, elle est posée contre le palais, sans tension, sans pression, sans forçage. La langue est posée à l’arrière des dents du haut, sans les toucher.
Quelles sont les étapes pour produire un son ?
Pour produire le son [s], on commence par prendre de l’air et on place la langue à l’arrière des dents du haut sans les toucher puis on souffle. Le rétrécissement de l’air qui passe sur la langue produit le son [s]. La moindre modification de la posture de la langue lors de l’articulation peut transformer le son [s] en un autre son. Si la langue passe entre les dents, le son est modifié et il ne correspond plus au son attendu : c’est le zozotement. La transformation produit un trouble articulatoire. Le son [ch] est produit avec une autre posture de langue. Les lèvres modifient aussi leur forme pour augmenter la transformation du flux d’air. [s] et [ch] s’articulent pratiquement au même endroit sur le palais, à quelques millimètres près. Il est donc important d’apporter une précision articulatoire en plaçant la langue au bon endroit dans la bouche.
Il faut faire des réglages articulatoires et posturaux pour produire le bon son.
Par quoi commencer à la maison ?
La première étape à mettre en place, c’est avant tout de prendre conscience de sa langue dans sa bouche. Il faut déjà commencer à se poser les questions suivantes : «Où est ma langue dans ma bouche ? Est-elle sur mes dents du haut? Mes dents du bas? Est-elle tendue au repos ou plutôt complètement basse et molle?»
Dans un second temps, on peut s’enregistrer pour prendre conscience de son articulation et des mots qui sont transformés.
Qui consulter ?
La première étape est de prendre un RDV chez le médecin généraliste qui prescrira une ordonnance pour un bilan et des soins orthophoniques.
L’orthophoniste proposera un bilan des fonctions oromyofaciales puis pourra donner un diagnostic orthophonique. Si besoin, une rééducation des mouvements de la langue et de sa position sera proposé. Le travail sur le son se fera dans un deuxième temps. La position de la langue concerne la posture au repos. Puis, l’orthophoniste va mettre en place des exercices musculaires pour renforcer cette position.
Un travail sur la déglutition des liquides et des solides sera proposé pour que les fonctions d’alimentation et de déglutition de la salive prennent le relais dans la vie de tous les jours. Le transfert dans le quotidien est primordial. C’est en se positionnant et en déglutissant au bon endroit qu’on entretient tous les muscles acquis pendant la prise en charge orthophonique.
Le travail articulatoire pourra alors commencer car la langue sera prête (posture et muscles) à stabiliser les consonnes modifiées.
Les soins orthophoniques :
L’orthophoniste facilite l’apprentissage de la posture linguale. Il fera le lien entre la posture de la langue et l’articulation au moment de la prononciation des sons, puis des mots et des phrases. Les séances peuvent commencer dès la maternelle mais elles peuvent aussi être faites à l’âge adulte : rien n’est irréversible. La rééducation de la posture de la langue et sa musculation améliorent l’articulation.
Il n’est pas trop tard pour entreprendre de corriger sa prononciation.
La répétition de sons ne sert à rien car si l’on n’est pas accompagné, la langue ne changera pas sa posture habituelle : elle n’effectuera pas les bons mouvements. La motivation est importante car le patient est acteur de la prise en soins. L’orthophoniste va lui donner les bonnes postures mais ne peut pas agir à la place du patient. L’entraînement doit se faire à la maison, de façon très régulière. Le patient doit être motivé et conscient de son articulation pour être prêt au changement.