La dysphorie de genre, qu’est-ce que c’est ?
Sandra est née garçon et a grandi avec le prénom de Nicolas. L’an dernier à Noël, elle a fait son coming out. Elle a informé ses proches de sa transidentité et leur a annoncé qu’elle souhaitait vivre sa vie de femme et l’assumer pleinement en entamant un parcours de transition de genre.
Pour elle, la douleur d’être une femme dans le corps d’un homme, de devoir se comporter tous les jours comme un homme (alors qu’elle se sait femme) était terrible.
Très tôt elle a ressenti un mal-être profond dans la construction de son identité, dû à ce que les médecins appellent une dysphorie de genre : il arrive que des personnes nées avec un sexe biologique mâle ou femelle, ne se sentent pas bien du tout dans le genre (féminin ou masculin) qui y est le plus souvent associé. Elles savent, au plus profond d’elles mêmes qu’elles ne sont pas nées dans le bon corps.
La dysphorie de genre n’est pas une maladie psychiatrique, cela arrive, tout simplement. Cependant, si la personne transidentitaire ne peut pas vivre dans le genre qu’elle ressent être le sien, elle en est si malheureuse qu’elle peut en tomber gravement malade (dépression), voire en mourir (suicide).
Un parcours médicalisé
Le parcours de transition, c’est-à-dire de changement de genre, est un parcours médicalisé. Sandra a d’abord rencontré un psychiatre. Celui-ci a posé le diagnostic de dysphorie de genre qui lui ouvre des droits de prise en charge de soins par la sécurité sociale avec la reconnaissance d’une ALD (Affection Longue Durée). Le psychiatre la suivra et l’accompagnera tout le long de son parcours pour l’aider à faire face à tous les bouleversements que sa transition provoque. Une transition de genre s’assortit souvent de secousses et parfois d’embûches dans de nombreux domaines : familial, physique, psychologique, social, administratif.
Ensuite Sandra a consulté une endocrinologue pour la prescription des hormones femelles qu’elle prend afin de modifier son apparence physique vers une silhouette féminine. Sandra ne sait pas encore si elle demandera une opération pour transformer ses organes génitaux. Mais elle a déjà bénéficié d’une chirurgie pour gommer sa pomme d’Adam et fait retoucher son visage pour en affiner les contours au niveau du front, des pommettes et du menton.
Deux types de parcours médicalisés peuvent être choisis :
1) un parcours libre que l’on coordonne soi-même avec des professionnels de santé indépendants.
2) un parcours guidé par les équipes médicales de l’association FPATH (anciennement SOFECT : Société Française d’Études et de prise en Charge des Transidentités) regroupés dans les CHU de France.
Pourquoi l’orthophonie?
La voix contribue tout autant que le physique à l’identité d’une personne. Elle traduit le genre de la personne, sa personnalité, ses émotions. Quand Sandra ne parle pas, ceux qui la voient l’appellent « Madame » mais au téléphone, on continue à l’appeler « Monsieur ». Car en dépit des efforts qu’elle fait pour transformer sa voix avec des vidéos qu’elle a trouvé sur Internet, elle reste grave et masculine. De plus, Sandra ressent des brûlures sur le devant du cou à force de s’exercer. Son psychiatre lui a alors conseillé d’aller voir un orthophoniste pour apprendre à féminiser sa voix de façon efficace et sans se blesser.
L’orthophoniste est un professionnel qui soigne les pathologies vocales. Il a une excellente connaissance du fonctionnement de la voix et possède un éventail d’exercices pour restaurer
· L’accès aux aigüs ou aux graves
· La puissance vocale
· Le confort vocal
· L’articulation
· La mélodie de la parole
C’est donc le professionnel de santé adéquat pour accompagner la personne transgenre dans sa métamorphose vocale.
Impact des hormones sur la voix
Les cordes vocales des hommes et des femmes diffèrent sur plusieurs points :
· La taille (plus grande chez les hommes)
· L’épaisseur (plus fines chez les femmes)
Des cordes vocales (appelées aussi plis vocaux) fines et courtes vibrent plus vite et émettent des sons plus aigüs (comme des cordes de Yukulélé)
Des plis vocaux longs et épais sont plus lourds et vibrent à des fréquences plus lentes, produisant des sons graves (comme des cordes de basse).
Les hormones mâles épaississent les cordes vocales et rendent la voix plus grave. Par contre, les hormones femelles ne rétrécissent pas les cordes vocales et donc ne rendent pas la voix plus aigüe. Il faut une chirurgie pour cela. La chirurgie peut raccourcir les plis vocaux ou les allonger pour le rendre plus fins. Mais les actes chirurgicaux ne réussissent pas à tous les coups et certains sont définitifs. C’est pourquoi les personnes transféminines préfèrent d’abord apprendre à changer leur voix chez l’orthophoniste avec des techniques bio-mécaniques.
Car il existe bien des façons de moduler la voix dans les graves et les aigüs sans modifier les cordes vocales !
L’orthophonie est elle recommandée pour toutes les personnes transidentitaires ?
Sans effet hormonal sur leur voix, plus de femmes transgenre que d’hommes transgenre demandent un accompagnement orthophonique. Mais ces derniers, bien qu’aidés par les hormones, ne trouvent pas forcément leur voix tout seuls. Il arrive qu’elle reste quelque temps instable ou éraillée.
En effet, voix masculine et féminine ne se résument pas à voix grave ou aigüe. Beaucoup d’autres critères composent le genre d’une voix. Parmi eux :
· L’articulation
· La résonance
· La prosodie (mélodie de la parole et intonation)
· Le rythme et le débit
Donc oui, l’orthophonie a un intérêt pour toutes les personnes qui souhaitent changer de genre et/ou passer de l’un à l’autre.
Que fait-on lors des séances d’orthophonie?
Le rôle de l’orthophoniste est de guider la personne transgenre dans la découverte de sa voix nouvelle, en toute sécurité. Pour cela l’orthophoniste donne les informations nécessaires sur l’anatomie et le fonctionnement de la voix. Ceci est indispensable pour comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait. Cette connaissance permet ensuite aux personnes en transition de composer elles-mêmes leurs entraînements vocaux en fonction du résultat souhaité.
L’orthophoniste accompagne la phase d’exploration vocale pour révéler toutes les possibilités d’une voix. Cette étape est conduite avec la prise de conscience de l’implication du corps dans l’émission de la voix ainsi que des sensations qui l’accompagnent.
Enfin, selon les besoins et objectifs de chaque personne l’orthophoniste propose des techniques et exercices variés pour répondre aux demandes concernant les accents, les intonations, l’articulation, le style.