Antoine, âgé de 37 ans, a été touché par le Covid 19 il y a 5 mois. Durant les premiers jours de la maladie, il a totalement et brutalement perdu l’odorat.
Que doit-il faire ?
L’odorat et le goût font partie de nos 5 sens (vue, ouïe, toucher, odorat, goût). Ils nous renseignent sur le monde qui nous entoure. Le Covid 19 entraîne chez 50 à 80 % des malades une perte ou un changement de l’odorat et du goût. C’est ce que l’on appelle le plus souvent « anosmie », mais qui regroupe plusieurs réalités. Cela peut être transitoire ou durable, et cela a un impact important sur la qualité de vie. Lorsque le trouble ne disparaît pas spontanément au bout d’un mois, une rééducation peut être envisagée.
L’odorat et le goût, ça fonctionne comment ?
Lorsque nous sentons les odeurs, les molécules odorantes passent par notre nez. Elles remontent par de petites fentes appelées fentes olfactives ; les molécules chimiques sont alors transformées en signaux électriques qui circulent grâce à un nerf (le nerf olfactif) jusqu’au cerveau où va être traitée l’information sur cette odeur. L’odeur reçue va être confrontée aux odeurs que nous connaissons déjà et que nous avons dans une sorte de grande bibliothèque d’odeurs. Sentir, nécessite donc d’avoir un bon transport des molécules mais aussi un accès à la mémoire des odeurs et aux émotions qui y sont liées.
Ce que l’on appelle le goût est en réalité un sens lié à 3 compétences :
Pour avoir le goût des aliments, il faut avoir un odorat qui fonctionne bien. En effet, environ 80% de notre sensation de goût dépend de notre olfaction. Cette fois-ci, cela se passe à l’arrière de la bouche. Les molécules odorantes, au lieu d’arriver par l’avant du nez, remontent de la bouche jusqu’aux fosses nasales. C’est ce qu’on appelle la rétro-olfaction, bien connue des amateurs de bon vin. Nous avons tous pu réaliser à quel point cette rétro-olfaction était importante pour le goût : quand on est enrhumé, le goût est généralement diminué voire absent car la muqueuse nasale ne permet pas de transporter les informations jusqu’aux récepteurs.
Lorsque l’on mange, les papilles gustatives, situées sur la langue, donnent des informations complémentaires que l’on répartit en 5 saveurs : sucré, salé, acide, amer, umami (=savoureux)
Enfin, d’autres indices sont présents et dépendent d’un autre nerf appelé le nerf trijumeau, qui s’occupe de la sensibilité de la langue et de la bouche : c’est ce qui nous permet de dire si ça pétille, si c’est chaud, froid, rugueux, humide, sec. Autant d’informations qui participent au goût.
À quoi servent l’odorat et le goût ?
L’odorat a un rôle d’alerte : si je sens une odeur de gaz ou de brûlé, je vais pouvoir réagir. Cela peut nous permettre de nous adapter : une odeur de transpiration nous pousse à mettre du déodorant, un jeune parent va parfois penser à changer son enfant uniquement grâce à son odorat. Mais il faut savoir que l’odorat et le goût sont aussi très importants pour la qualité de vie.
Les odeurs nous renvoient à des souvenirs plus ou moins puissants ou conscients. Elles peuvent nous rappeler un lieu, une personne, un animal, un épisode de notre vie. Elles nous relient à nos proches, dont on reconnaît le parfum et l’odeur naturelle. Le goût, lui, participe au plaisir de manger. Il nous renseigne aussi sur un possible danger : si un aliment a mauvais goût, je vais réaliser qu’il est avarié.
Les troubles du goût et de l’odorat entraînent des difficultés variées et parfois très invalidantes : certaines personnes se lavent de façon obsessionnelle de peur de sentir mauvais, d’autres vont éviter les contacts sociaux. Certains prennent ou perdent du poids si le goût est modifié. On observe aussi des symptômes dépressifs et anxieux, qui peuvent être liés à la fois au contexte inflammatoire global dû au virus mais aussi à l’anosmie. Un monde sans saveur et sans odeur, c’est triste.
Que se passe-t-il quand on a le Covid 19 ?
Au départ, on ne savait pas précisément pourquoi de nombreux patients atteints du Covid 19 perdaient l’odorat et le goût.
Aujourd’hui, on connaît plusieurs explications :
Au tout départ, si le malade est tout simplement enrhumé, la muqueuse du nez ne peut pas faire son travail de transmission des informations
Il arrive parfois que les fentes olfactives ne laissent pas bien passer le signal car elles sont un peu gonflées et inflammatoires (œdème)
Enfin, les neurones olfactifs et le bulbe olfactif, qui permet d’analyser les odeurs, sont le plus souvent touchés. En faisant des examens poussés, on a pu voir que certaines zones du cerveau liées à l’odorat – incluant la mémoire et les émotions- fonctionnaient un peu moins bien que d’ordinaire. C’est ce qu’on appelle un hypométabolisme. Ce dysfonctionnement explique les difficultés rencontrées par les patients, même après la phase aiguë.
On a constaté que les malades ayant eu les troubles les plus dangereux, souvent hospitalisés en réanimation, sont proportionnellement moins touchés par l’anosmie que ceux ayant eu des formes légères.
Quels sont les mots utilisés pour parler de ces troubles ?
L’odorat et le goût peuvent disparaître, être modifiés ou atténués.
- L’anosmie est la disparition totale de l’odorat. Elle est souvent transitoire
- Les parosmies sont des « fausses odeurs » : au lieu de sentir le citron, je sens la lavande, au lieu de sentir le café, je pense que c’est du chocolat. Les informations apportées par le nez ont du mal à retrouver le chemin vers l’odeur située dans la bibliothèque d’odeurs à l’intérieur du cerveau. C’est comme une erreur d’aiguillage. C’est souvent le signe que l’odorat commence à revenir.
- La cacosmie est l’apparition de mauvaises odeurs
- Les fantosmies (ou phantosmies) sont des odeurs fantômes. Personne ne sent rien, sauf le malade
- L’hyposmie signifie que l’on peut sentir, mais moins fort qu’auparavant
- L’agueusie est la disparition totale du goût
- La dysgueusie est la transformation du goût. Le jambon n’a plus goût de jambon, le poisson ressemble à tout autre chose…
Peut-on récupérer spontanément ?
On pense que la moitié des personnes retrouve spontanément l’odorat dans les trois premières semaines, et 75 à 85% deux mois après la fin de la maladie. Au bout de six mois, 95% des patients sentent presque normalement et on parle de 98% à 1 an. Certains d’entre eux ont un seuil d’odorat différent et des parosmies.
Il existe des protocoles disponibles sur internet, proposant des entraînements notamment à base d’huiles essentielles. Pour certaines personnes, cela aide à la récupération. Pour d’autres cela n’est pas suffisant et une rééducation orthophonique sera nécessaire
Doit-on faire des examens complémentaires ?
Quand l’odorat reste altéré au-delà de trois semaines, il faut en parler à son médecin traitant. Celui-ci pourra orienter vers des examens complémentaires. Le plus souvent il faudra voir un ORL (oto-rhino-laryngologiste) qui vérifiera si le nez et les fentes olfactives permettent bien aux informations de circuler jusqu’au bulbe olfactif. Pour cela il passera une petite caméra par votre nez.
Certains hôpitaux proposent des explorations plus poussées comme des TEP scan, mais ce n’est pas une procédure systématique. Votre médecin traitant saura vous orienter.
Mon médecin m’a parlé d’orthophonie, pourquoi ?
L’orthophoniste est un professionnel de santé spécialisé dans les pathologies liées aux fonctions de la face et du cerveau : cela inclut donc les troubles de l’odorat et du goût, qu’ils soient liés au Covid ou à d’autres pathologies (cancer, AVC, traumatisme).
Si l’odorat et le goût ne reviennent pas spontanément, le médecin traitant ou le spécialiste peut prescrire un bilan et une rééducation orthophoniques.
Lors du bilan, l’orthophoniste propose d’abord un long entretien qui permet de bien connaître le patient, l’histoire de sa maladie, les antécédents médicaux. On se renseigne aussi sur les habitudes du patient : aime-t-il telle ou telle odeur ? Quels sont ses goûts préférés ? On regarde l’évolution des troubles depuis le début de la maladie. Ensuite, des tests sur les odeurs et les goûts sont proposés pour savoir comment le patient sent et perçoit et à quel niveau il réagit. Si des examens complémentaires sont nécessaires, l’orthophoniste en parle avec le médecin traitant.
L’orthophoniste interroge aussi le patient sur d’éventuelles difficultés qui n’ont pas été mentionnées : troubles de la voix, difficultés à avaler, pertes de mémoire ou difficultés de langage. Cela fait partie de son champ de compétence et cela permet de proposer une réadaptation.
Après le bilan, la rééducation peut commencer. Elle sollicite évidemment l’odorat et le goût mais toujours en lien avec la mémoire, les émotions, les connaissances du patient. Par exemple on va regarder une image d’herbe coupée, demander au patient quels souvenirs cela évoque dans son histoire personnelle. On va aussi travailler la rétro-olfaction pour réhabiliter le goût. Il y a un entraînement quotidien à prévoir à la maison, l’orthophoniste donne des pistes et voit le patient régulièrement pour l’accompagner dans la récupération du goût et de l’odorat.
Les troubles de l’odorat sont peu connus du grand public alors qu’ils concernent 15% de la population en temps ordinaire. On ne pense pas toujours à l’orthophoniste mais dans les suites de Covid, ses compétences liées à l’olfaction ont été mises en lumière. Il ne faut pas hésiter à demander à son médecin une orientation vers ce type de rééducation.