Son entourage s’en plaint, ses collègues le lui ont fait remarquer mais il ne sait pas comment s’empêcher de racler.
Ce que Sylvain fait s’appelle le hemmage. Il peut être occasionnel ou chronique (nous pouvons tous le faire de temps à autre pour éclaircir notre voix ou pour dégager des mucosités, mais cela peut devenir envahissant). Dans ce cas, il peut s’auto-entretenir, créer ou maintenir de l’inflammation et représenter une gêne sociale. Ce hemmage est parfois fait de façon automatique, la personne ne se rend pas compte qu’elle se racle la gorge aussi souvent. Ce sont les réflexions de son entourage qui donnent l’alerte.
Pourquoi se racle-t-on la gorge ?
Lorsque l’on sent une gêne dans le larynx, à l’intérieur du cou, derrière le cartilage de la pomme d’Adam, on a envie de s’en débarrasser.
Cette gêne peut avoir plusieurs origines. Les causes les plus fréquentes sont :
- Le reflux gastro-oesophagien (de l’acidité remonte de l’estomac et crée de l’inflammation jusqu’aux cordes vocales qui sont situées au milieu du cou à l’horizontale)
- La présence de mucosités qui descendent du nez et passent dans la gorge. Quand ces mucosités sont présentes de façon régulière, on parle de rhinite chronique
- Les allergies
- Le stress
- Le tabagisme
- Certains médicaments
- Une tendance à l’hypersensibilité. (certains ont la muqueuse très sensible, leur seuil de réactivité est bas. Ils peuvent être gênés par les changements de température, l’humidité ou la sécheresse de l’air, certains produits d’entretien)
- Une utilisation forcée de la voix (quand on doit parler fort et longtemps, si l’on n’a pas bien appris à utiliser la voix, cela peut créer des tensions au niveau des cordes vocales et de l’irritation)
Que se passe-t-il quand on se racle la gorge ?
Lors du hemmage, on provoque un rapprochement brutal des cordes vocales. Si c’est fait de temps à autre, il n’y a pas de danger. En revanche, lorsque cela devient chronique (hemmage qui se produit plusieurs fois par jour et sur une période de plus de 3 semaines) il existe des conséquences à moyen, voire long terme. Parfois, la frontière entre le hemmage régulier et la toux chronique est très mince. Les deux sont en lien avec une irritation laryngée. Ils mettent en action les cordes vocales et peuvent devenir gênants socialement. Dans la toux cependant, il y a souvent la notion de quintes.
Quelle peuvent être les conséquences du hemmage chronique ?
Si le hemmage est souvent lié à une irritation du larynx, sa répétition va enclencher un cercle vicieux : plus ça me gratte dans la gorge, plus je racle. Plus je racle, plus il va y avoir de l’inflammation. Cela va donc me donner envie de racler à nouveau.
Que faire en cas de hemmage chronique ?
Dans un premier temps, on peut essayer de faire cesser cette habitude, en étant vigilant sur plusieurs points :
La prise de conscience est indispensable : combien de fois par heure dois-je racler ma gorge ? Est-ce toute la journée ? Dans certaines circonstances seulement ?
On peut remplacer ce tic par une habitude plus utile et efficace, comme boire une gorgée d’eau quand la gorge démange. L’hydratation est indispensable pour que le larynx fonctionne de façon saine.
Certaines habitudes vocales peuvent aussi aider : si je suis tendu(e) quand je parle, je vais apprendre à relâcher mes tensions avant de prendre la parole, à mieux doser ma respiration, à faire attention à ma posture et aussi au volume de ma voix : il n’est pas toujours nécessaire de parler fort pour me faire entendre.
Que dois-je faire si cela ne suffit pas ?
Si les petits moyens mis en place de façon autonome ne suffisent pas, il est nécessaire d’en parler avec le médecin traitant. Celui-ci va chercher la cause du hemmage, la traiter et éventuellement orienter vers le spécialiste le plus adapté.
S’il y a une allergie, un traitement de l’allergie sera nécessaire. On s’orientera vers un allergologue.
En cas de reflux gastro-oesophagien, un traitement médicamenteux peut être proposé ainsi que des mesures hygiéno-diététiques : manger plus léger, notamment le soir, éviter certains aliments. Une consultation en gastro-entérologie est parfois utile pour comprendre la cause de ce reflux.
Le tabagisme et la consommation d’alcool sont évidemment à réduire au maximum.
S’il y a une rhinite chronique, un avis ORL sera demandé. L’ORL (oto-rhino-laryngologiste) fera le point sur l’inflammation de toute la zone du nez, de la gorge et des oreilles et proposera le traitement nécessaire.
On parle d’orthophonie en cas de hemmage chronique. Pourquoi ?
Lorsque les causes médicales ont été traitées, il arrive que le hemmage soit encore présent car il est ancré dans le fonctionnement du patient, qui ne sait plus comment faire pour l’éviter. Une prise en charge orthophonique est alors prescrite par le médecin généraliste ou par un des spécialistes consultés.
Le premier rendez-vous, qui s’appelle le bilan, permet de faire le point sur les antécédents médicaux, les conditions et habitudes de vie du patient. Un questionnement très détaillé permet de comprendre les éléments déclencheurs du hemmage.
Dans un deuxième temps, une rééducation est proposée. Elle est en général courte. Le hemmage, la toux chronique mais aussi les spasmes laryngés et les mouvements d’adduction paradoxaux des cordes vocales font partie de ce qu’on appelle les dyskinésies laryngées. L’orthophoniste va apprendre au patient le fonctionnement de son larynx et va surtout lui montrer comment ouvrir volontairement ses cordes vocales au moment même ou l’envie de racler (et donc de les rapprocher) apparaît. L’apprentissage d’une respiration « par le ventre » (costo-diaphragmatique) est souvent utile. On propose aussi des mises en situation qui vont provoquer l’envie de racler la gorge, apprendre au patient les signes précurseurs et l’hygiène à adopter au quotidien.
Le hemmage chronique comme la toux chronique, peut avoir des répercussions sur les interactions sociales de la personne qui en souffre, mais également sur le fonctionnement de son larynx qui devient alors hyperréactif et toujours irrité. Une prise en charge médicamenteuse et paramédicale adaptée est généralement suffisante pour faire passer cette habitude et soulager la personne, qui retrouve un confort qu’elle avait oublié, parfois depuis très longtemps.