Je suis enseignant en français langue étrangère. Parneet est arrivé dans ma classe depuis plus de 6 mois maintenant. Il a 7 ans et il vient du Bangladesh. Il est vif et désireux d’apprendre. Pourtant, Parneet a beaucoup de mal à apprendre le français.
Les observations de l’enseignant
Depuis plusieurs années maintenant, cet enseignant travaille dans une classe d’enseignement du français langue étrangère. Il a rencontré beaucoup d’enfants du monde, de tout âge et de toute langue. Il a de l’expérience et il est confiant dans les méthodes qu’il utilise. Ces méthodes ont montré leur efficacité dans l’apprentissage du français pour beaucoup d’enfants de sa classe. C’est pour cela qu’il est soucieux pour les difficultés particulières de Parneet.
Apprendre à l’école dans une langue nouvelle est quelque chose de difficile
La situation est complexe parce que les pays d’accueil demandent aux enfants et à leur famille de s’adapter et d’apprendre rapidement leur langue. En France, tous les enfants ont le droit et l’obligation d’être scolarisés. L’apprentissage du français est la clef pour accéder aux enseignements.
On explique souvent les difficultés d’apprentissage des enfants par leur vécu migratoire. On peut pourtant s’interroger sur l’existence de difficultés spécifiques chez certains d’entre eux.
Des enfants migrants confrontés à plusieurs langues dans leur parcours de vie
Parneet est dans cette classe depuis plus d’un an maintenant. Quand il est arrivé, il ne parlait pas un mot de français. Ses parents non plus. Originaire du Bangladesh, leur langue maternelle est le penjâbi. Dans son pays, la langue d’enseignement scolaire était l’hindi. Il y avait aussi un peu d’anglais dans son environnement.
Cette histoire multilingue est celle de nombreux enfants immigrés.
Tous les enfants n’apprennent pas le français au même rythme
Parneet est décrit comme un enfant intelligent, volontaire et travailleur, assidu en classe, bon camarade et jovial. Il semble intelligent, il est capable de raisonnement quand les exercices ne s’appuient pas que sur le langage. Pourtant, Parneet semble avoir plus de mal à apprendre le français que les autres élèves de sa classe, y compris ceux qui ont comme lui le penjâbi comme langue maternelle. C’est ce décalage qui inquiète son enseignant et qui l’a conduit à poser la question.
Comment cet enfant communique-t-il dans sa langue maternelle ?
Des observations à l’école peuvent aider à mieux comprendre les difficultés de Parneet :
Comment communique-t-il avec ses camarades de classe qui ont la même langue maternelle que lui ? Est-ce qu’il semble les comprendre et se faire comprendre d’eux facilement ?
Un échange avec les parents est indispensable, en présence d’un interprète, ou peut-être dans un premier temps d’une personne de leur entourage qui puisse servir d’interprète.
Comment Parneet a-t-il développé son langage quand il était petit ? Une comparaison avec ses frères et sœurs peut aider à évaluer un éventuel retard.
Et maintenant ? Est-ce qu’il a un bon niveau de vocabulaire dans sa langue maternelle ? Est-ce qu’il est adroit dans sa façon de s’exprimer, de formuler ses phrases ?
Difficulté d’apprentissage ou trouble du langage ?
Parneet a t il des difficultés dans la maîtrise de sa langue maternelle depuis qu’il est petit ? A-t-il a du mal à communiquer avec précision avec sa famille, ses camarades de même langue maternelle ? Dans ces deux cas, il présente peut-être un trouble spécifique du langage.
La prise en soins en orthophonie concerne toute personne en situation de trouble de la communication et du langage.
Un bilan orthophonique pourra aider à évaluer cette difficulté, à faire le point sur ses habiletés langagières en penjâbi et en français.
Le bilan orthophonique d’un enfant non-francophone
L’orthophoniste évalue les capacités de communication en dehors du langage. Pour évaluer ses capacités de langage dans les deux langues, l’idéal est de travailler en lien avec un interprète pour faire son bilan.
L’interprète sera chargé de traduire oralement les énoncés d’une langue à l’autre pour restituer les questions, les réponses, les paroles de chacun. Si on a la chance de pouvoir travailler en binôme avec un interprète professionnel, on sait que, grâce à sa formation, il ne trahira pas le sens des paroles de chacun, sans traduire mot à mot, en conservant la justesse du ton et des nuances.
Comment trouver un interprète ?
Il existe des associations qui proposent de l’interprétariat. Cette prestation peut avoir un coût.
Les associations et dispositifs d’aide aux migrants connaissent les ressources en interprétariat de leur région et peuvent aider à trouver les modalités de financement de ces prestations.
S’il est vraiment impossible d’avoir recours à un interprète professionnel, on sera aidé par une personne de l’entourage de la famille qui parle les deux langues, mais cela supposera qu’on explique précisément à cette personne ce qu’on attend d’elle : qu’elle traduise le plus fidèlement possible sans juger, sans corriger, sans répondre à la place de l’enfant et de sa famille. C’est une tâche complexe.
Les situations d’interculturalité sont complexes à appréhender pour les professionnels du langage, de la communication mais aussi pour les professionnels de la pédagogie et des apprentissages. Beaucoup de paramètres peuvent avoir de l’influence sur l’acquisition d’une langue seconde, surtout dans un contexte de migration.
Lorsqu’un enfant migrant présente des difficultés importantes d’accès au français, on peut faire l’hypothèse d’un trouble d’acquisition du langage qui conduira à consulter un orthophoniste.
Le bilan orthophonique évaluera cette difficulté et pourra déterminer les soins et les aménagements à mettre en place. Il ne peut pas s’envisager sans prendre en compte la langue maternelle.
Le travail collaboratif et coordonné avec un interprète est la clé d’un bilan orthophonique complet et fonctionnel.