Clara fait partie d’une chorale de gospel. Avant chaque répétition, le chef de chœur propose un temps d’échauffement, pendant lequel il montre des exercices et parle de respiration. Clara a entendu qu’elle devait «respirer avec le ventre» mais elle n’a jamais réussi.

Pourquoi parle-t-on du souffle quand on s’intéresse à la voix ?

La voix est le seul instrument de musique dont sont pourvus tous les êtres humains. C’est un instrument à vent, comme une flûte, une trompette, une clarinette. Pour jouer d’un instrument à vent, le musicien souffle dedans. L’air passe par un endroit qui se resserre, cela produit un son qui est ensuite enrichi et amplifié dans la partie finale de l’instrument. Pour la voix, c’est exactement pareil. L’air des poumons remonte par la trachée et passe dans un espace qui peut se rapprocher, les cordes vocales. Celles-ci sont le vibrateur de notre instrument : elles sont comme deux petites bandes situées à l’horizontale au milieu du cou, derrière la pomme d’Adam.

Une fois que le son est produit à cet étage de notre instrument, il se transforme dans toutes les cavités qu’il traverse (la gorge, le nez…) ce qui donne la couleur de la voix telle que nous l’entendons.

Le souffle est donc le matériau de base de la voix. Sans souffle, pas de voix !

La coordination pneumo-phonique, qu’est-ce-c’est ?

Il s’agit d’une expression qui exprime le lien entre le souffle (pneumo) et le son (phonique) et du juste équilibre qui est nécessaire. Si nous reprenons l’image des instruments à vent, c’est assez simple à comprendre : quand on souffle trop fort dans une clarinette, il y a un couac. Si l’on ne souffle pas assez fort, il n’y a pas de «mise en vibration», pas de son.
Pour la voix, c’est pareil. Le bon dosage de la pression de l’air va permettre d’avoir une voix de bonne qualité, mais aussi d’éviter d’abîmer l’instrument à long terme. Il faut un équilibre pour que le son s’exprime au mieux.

Clara sait respirer depuis qu’elle est née, pourtant quand elle chante elle peut être à bout de souffle.

Lorsque nous respirons au quotidien (en dehors des temps de parole), un certain nombre de muscles entrent en action. Le temps d’inspiration, quand l’air entre dans le corps, est actif et dure presque aussi longtemps que le temps d’expiration, quand l’air ressort des poumons.
Durant l’utilisation de la voix, de nombreux paramètres changent : les durées d’inspiration et d’expiration, le mode de respiration, les muscles utilisés. Par exemple, pour être en bonne santé, on dit qu’il faut respirer principalement par le nez : c’est vrai ! Mais lorsque l’on parle ou que l’on chante, on va souvent reprendre de l’air par la bouche et c’est normal. Quand on utilise sa voix, l’air doit également rentrer rapidement dans les poumons et ressort bien plus lentement ce qui permet de dire des phrases complètes sans s’arrêter.

Lorsqu’elle discute avec ses amies, Clara n’a pas de souci pour respirer, contrairement aux répétitions de chorale où elle se sent essoufflée. C’est normal, car selon la façon dont nous utilisons notre voix, la coordination pneumo-phonique (souffle-son) évolue. Si l’on doit parler fort, crier, chanter, aller dans les aigus, parler longtemps, la pression d’air nécessaire n’est pas la même que lorsqu’on a une conversation tranquille avec une copine. Nous l’avons tous probablement expérimenté : notre voix peut être tout à fait efficace au quotidien mais nous sembler plus difficile à gérer si nous chantons ou si nous parlons en milieu bruyant.

Clara a tenté de gonfler son ventre pour avoir une meilleure respiration et une voix plus puissante lors des répétitions, malheureusement cela ne fonctionne pas.

Et oui, c’est là une idée reçue : gonfler le ventre n’a jamais fait entrer plus d’air dans les poumons. On peut d’ailleurs gonfler son ventre de façon artificielle, nez et bouche fermés, pour le vérifier. La confusion vient du fait que le ventre bouge en même temps que la respiration et que parfois il gonfle, parfois il dégonfle. On se dit que si le ventre est plus gonflé, c’est que les poumons sont davantage pleins et qu’on aura plus de puissance pour chanter et parler. En pratique, on voit que les gens qui se concentrent sur le fait de gonfler et dégonfler le ventre ont souvent plus de mal à synchroniser leur souffle avec leur voix. On croit aussi souvent qu’il faut beaucoup d’air pour avoir un son plus fort, alors que d’autres paramètres permettent de modifier l’intensité de la voix, comme la posture ou l’ouverture de la bouche.

Alors comment faire ?

La clé d’une coordination pneumo-phonique de qualité, c’est le relâchement abdominal. Les muscles abdominaux étant bien en-dessous des poumons, cela peut sembler étrange mais c’est un fait : quand nous relâchons nos abdominaux à la fin d’une phrase par exemple, le diaphragme, qui est situé au milieu de notre cage thoracique, redescend et provoque automatiquement une entrée d’air efficace dans les poumons.

Dans la vie quotidienne, nous avons souvent perdu cette capacité à relâcher régulièrement notre diaphragme, ce qui entraîne parfois des tensions, des douleurs abdominales, majore le reflux gastrique et joue négativement sur notre voix. La bonne nouvelle, c’est que nous savons tous le faire : les très jeunes enfants en sont un bon exemple (il suffit de regarder le ventre des tout-petits sur la plage en été) et quand nous dormons, cette respiration «par le ventre» revient !

Même si elle nous concerne tous, cette question de coordination souffle/son se pose surtout dans certains contextes. Quand on est musicien amateur, avec un instrument qui fonctionne bien, il est courant de ne pas se poser de question technique sur les équilibres en jeu. En revanche, quand on a des besoins particuliers ou que l’on présente des difficultés dans la pratique instrumentale, alors on va se pencher sur quelques subtilités techniques. C’est le cas pour la voix : ceux qui s’intéressent à la coordination pneumo-phonique sont souvent ceux qui ont un grand besoin de leur voix (enseignants, avocats, chanteurs, orthophonistes…) ou ceux qui souffrent d’un trouble de la voix.

Comment travailler la coordination pneumo-phonique ?

Pour travailler la coordination pneumo-phonique, il existe de nombreuses méthodes. On peut chercher, expérimenter, sentir dans son corps, faire des exercices de façon autonome. Les supports sont aujourd’hui nombreux et faciles d’accès : vidéos, tutoriels…
On peut, par exemple, souffler longuement par la bouche, puis sentir ce qui bouge dans le corps au moment où l’air revient, en posant une main sur le thorax et une sur l’abdomen. On peut aussi souffler de façon tonique et rapide pour mobiliser les muscles différemment ou produire de la voix doucement en sentant le mouvement de l’air dans la cage thoracique. En voix chantée, il faut veiller à prendre des respirations suffisamment régulières et souples, sans mobiliser de manière trop importante les épaules (elles ne doivent pas monter à chaque inspiration).
S’il n’y a pas de pathologie ou de souffrance vocale, on peut se faire accompagner par un coach vocal pour améliorer ses performances ou par un professeur de chant s’il s’agit de la voix chantée. La plupart des chanteurs en chorale ne souffrent d’aucun trouble de la voix. S’ils sont bien accompagnés sur le plan technique par leur chef de chœur, ils ne mettront pas leur voix en danger. Le corps et la voix s’échauffent avant la pratique du chant, qui doit être accompagnée d’une hydratation régulière.
Dans le cas où la voix est en souffrance (voix éraillée ou cassée après les répétitions, fatigue vocale, sensation désagréable dans la gorge), un accompagnement orthophonique est tout indiqué.

Après 6 mois de chorale, Clara remarque qu’elle a parfois la voix abimée en sortant des répétitions.

Elle se sent toujours aussi essoufflée quand elle chante. En discutant avec une amie de la chorale, Clara a appris qu’elle pouvait consulter un orthophoniste, qui intervient en cas de pathologie vocale. Elle appelle donc un cabinet proche de son domicile. L’orthophoniste reçoit Clara pour un premier rendez-vous appelé bilan, sur prescription de son médecin. Clara a juste vu son médecin généraliste, alors il se peut que l’orthophoniste demande un examen chez un médecin spécialisé en ORL (oto-rhino-laryngologie) et/ ou en phoniatrie (spécialité s’intéressant à la voix).

Durant le bilan, l’orthophoniste parle avec Clara de ses difficultés vocales, de l’utilisation de sa voix dans la vie quotidienne, vérifie les autres données de santé, les traitements en cours. L’orthophoniste écoute la voix de Clara, regarde son geste vocal (la façon dont Clara utilise sa voix) en conversation, durant le chant, quand elle parle fort ou qu’elle crie. Des enregistrements et des mesures sont souvent faits lors du bilan, ce qui permet d’établir les objectifs thérapeutiques et le plan de soins.

Plusieurs séances sont généralement nécessaires pour établir et automatiser un bon geste vocal et notamment une coordination pneumo-phonique adaptée. Entre les séances, Clara a une pratique régulière, guidée par son orthophoniste.

La coordination entre le souffle et le son est la base de la voix. Cette compétence, que nous avons tous au départ, est parfois mise à mal et demande à être travaillée pour garder une voix de bonne qualité. Cela peut se faire en autonomie ou avec le chef de chœur ou un professeur de chant. Si une difficulté vocale apparaît, il est nécessaire de consulter un orthophoniste.