«À 34 ans, je n’arrive toujours pas à calculer mentalement, même les opérations simples. Je n’ai jamais pu retenir les tables de multiplication et je fais souvent des erreurs pour lire les grands nombres. Je n’ai pas de montre car lire l’heure sur un cadran est difficile. J’aimerais trouver des solutions pour ne plus être handicapé par ces difficultés dans mon travail et dans mon quotidien.»
Des difficultés importantes et persistantes en mathématiques peuvent être dues à une dyscalculie : un trouble développemental qui dure à l’âge adulte.
À quoi ressemble le quotidien d’un adulte souffrant de dyscalculie ?
Le nombre est présent partout et tout le temps dans la vie quotidienne (coordonnées téléphoniques, horaires de bus, recette de cuisine, codes d’identification, dimensions, horloge, tableau de bord de voiture, prix, numéro de réservations, etc). Les difficultés de ces adultes se retrouvent dans tous les domaines : vie professionnelle, familiale, sociale, gestion des tâches quotidiennes et bien-être psychologique et physique.
Les difficultés les plus citées par ces adultes sont les suivantes :
- Lire l’heure
- Conduire un véhicule
- Payer ses courses et vérifier le rendu de monnaie
- Planifier un événement ou un voyage
- Gérer ses comptes bancaires
- S’orienter dans une ville
- Arriver à un rendez-vous à l’heure
- Estimer une distance ou une quantité
- Suivre une recette de cuisine
- Retenir des numéros
- effectuer un calcul mental
- Lenteur pour traiter des nombres
- Fatigue importante après une journée de travail
- Une anxiété certaine face aux nombres
Ces adultes expliquent qu’ils ont toujours été «nuls» en mathématiques malgré leurs efforts importants. Ils ont l’impression de devoir fournir beaucoup plus de travail (cours particuliers supplémentaires) sans succès. Ces faiblesses ont alors souvent impacté leur parcours scolaire et professionnel. Ici, les troubles des apprentissages sont clairs. Malgré les années d’école et de cours particuliers, les difficultés restent massives. Ces difficultés sont à différencier d’une situation où la personne ne serait pas allée à l’école et n’aurait pas eu de contacts répétés avec les apprentissages.
Ces personnes ont souvent une baisse d’estime de soi importante car ils n’ont pas pu avoir un diagnostic orthophonique et une prise en soin adaptée durant leur scolarité. Ils n’ont pas été accompagnés et n’ont pas bénéficié d’aménagements pédagogiques. Ceci peut également expliquer leur parcours scolaire parfois chaotique. En effet, la dyscalculie était un trouble encore méconnu il y a une trentaine d’années. Beaucoup entendaient les phrases «tu ne travailles pas assez» ou encore «fais plus d’efforts».
Qu’est-ce que la dyscalculie ?
«La dyscalculie est aux mathématiques ce que la dyslexie est à la lecture.» Wilson
La dyscalculie est un trouble de la cognition mathématique qui apparaît durant le développement des apprentissages d’un enfant et qui persiste à l’âge adulte. La cognition mathématique regroupe le traitement du nombre, l’arithmétique et le raisonnement. Tous les processus mentaux permettant d’accéder à la connaissance mathématique. Pour parler de dyscalculie, les difficultés relevées sont marquées par une lenteur, une impossibilité de retenir les petits calculs ou les tables de multiplication, des mauvaises stratégies de calcul, une résolution de problèmes difficile ou encore un évitement des activités mobilisant le nombre. Ces difficultés doivent être importantes. La moyenne obtenue à des activités mathématiques doit être très inférieure à celle des personnes du même âge. Il ne doit pas y avoir de trouble intellectuel, neurologique, sensoriel ou moteur. Enfin, des conséquences sont observées sur la scolarité, la vie professionnelle ou la vie quotidienne.
Vers qui s’orienter ?
Ces adultes en reconversion professionnelle cherchent alors à consulter des professionnels pour comprendre leurs difficultés et améliorer leur qualité de vie.
Plusieurs professionnels de santé peuvent intervenir dans ce processus de diagnostic.
La première indication est une consultation chez l’orthophoniste qui est le seul professionnel formé pour diagnostiquer une dyscalculie. Grâce à un bilan de la cognition mathématique, il pourra objectiver un éventuel trouble et en déterminer la nature (dyscalculie primaire, secondaire ou trouble du raisonnement). Il pourra ensuite proposer un plan de rééducation personnalisé. L’objectif sera de se réconcilier avec le nombre et de travailler sur des situations concrètes pour être plus à l’aise au quotidien.
Puis, une consultation neuropsychologique est parfois nécessaire afin de comprendre le fonctionnement cognitif du patient. Le neuropsychologue propose un bilan cognitif complet en évaluant différents domaines de la cognition tels que la mémoire, les fonctions exécutives, les compétences visuo-spatiales, la vitesse du traitement de l’information ou encore l’attention. Une fragilité dans l’une de ces compétences peut avoir un impact direct sur les performances en mathématiques. Par exemple, une faiblesse en mémoire peut expliquer une résolution de calculs mentaux déficitaire. Il peut être difficile de mémoriser les nombres et les éventuelles retenues du calcul.
Enfin, une consultation psychologique peut être bénéfique pour certains adultes. La démarche diagnostic à l’âge adulte est une démarche courageuse qui ramène parfois à des souvenirs scolaires douloureux. Trouver une explication à tant d’années de souffrance peut être un grand bouleversement. De plus, ces adultes sont souvent en reconversion professionnelle : c’est généralement en remise en question de leurs compétences, de leurs objectifs et de leur avenir.
Que faire en attendant le rendez-vous ?
Les délais d’attente pour un premier rendez-vous peuvent être longs. C’est très souvent le cas pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste. Les adultes peuvent alors commencer certaines activités afin d’amorcer une première approche du nombre. Le but est de se confronter au maximum avec le nombre en général afin d’éveiller le raisonnement numérique. Commencer par des jeux simples comme le sudoku ou des carrés magiques. L’entraînement à manipuler le nombre aide au quotidien. Plus on y est confronté et plus ce sera facile. Le cerveau est comme un muscle que l’on peut entraîner. On peut s’amuser à estimer des distances ou des quantités à vue d’œil. On peut également réaliser les petits calculs rencontrés au quotidien mentalement avant de prendre la calculatrice. Toute activité mobilisant le nombre sera bénéfique.
Des solutions s’offrent alors aux adultes rencontrant des difficultés mathématiques. La consultation orthophonique permettra une meilleure compréhension du trouble et un quotidien rendu plus facile grâce aux différentes stratégies développées avec l’orthophoniste. Le bilan neuropsychologique permettra de comprendre le fonctionnement cognitif. Enfin, une consultation psychologique permettra un accompagnement personnalisé dans cette démarche importante de la vie d’un adulte. Le parcours professionnel pourra être adapté. Suite à ce parcours de soins, une reconnaissance officielle de ce handicap permettrait une vie professionnelle plus équitable et sereine.