Mon fils est né avec une cécité totale. Il a 2 ans, ne parle pas encore et j’ai du mal à communiquer avec lui. Avec sa grande sœur, c’était plus simple. Je pouvais voir ce qui l’intéressait en suivant son regard, on se regardait dans les yeux, elle riait à mes grimaces. Comment aider mon enfant à développer son langage ?

L’absence de vision peut entraver la mise en place de la communication

Avant qu’un enfant puisse s’exprimer avec des mots, la communication avec son entourage s’appuie beaucoup sur des éléments visuels : les expressions du visage, les gestes, le regard. Il est plus facile de communiquer avec quelqu’un quand on voit tous les deux ce dont on parle, cela permet d’appuyer les mots sur du concret. Sans élément concret, il est plus difficile de comprendre avec précision et exactitude de quoi on parle.

L’importance du langage chez les non-voyants

Le premier moyen pour découvrir le monde, malgré l’absence de vision, est le langage et non le toucher comme on se l’imagine souvent.
Un léger retard de développement du langage et de la communication est fréquent chez les non-voyants. Il rentre généralement dans l’ordre avec des stimulations adaptées. Cependant, il peut arriver que des enfants non-voyants aient également un trouble du langage associé. Cette atteinte du langage vient alors multiplier le handicap. Il est, dans ce cas, nécessaire de consulter une orthophoniste. Mais le soutien de la famille au quotidien est essentiel pour que le langage se développe bien.
Dans tous les cas, qu’il y ait un trouble du langage ou non, il est important que l’enfant aveugle ait une communication et des interactions langagières de qualité avec son entourage.
Cependant, sans leurs repères de communication habituels, les familles peuvent être perdues ou démunies. Voici donc quelques idées et repères pour soutenir et développer la communication et le langage d’un enfant non-voyant.

L’audiodescription

L’audiodescription consiste à décrire, commenter, expliquer tout ce qu’il se passe dans l’environnement de l’enfant. Cela lui permettra d’avoir accès à ce qu’il ne peut pas voir, de comprendre ce qu’il se passe, de faire des liens. On peut ainsi se présenter et annoncer toute personne qui entre dans la pièce. On peut commenter les différents bruits : “Oh, j’ai fait tomber mes clés!”, “tiens, le micro-ondes a fini de réchauffer la purée!”, ou au contraire ce qui est silencieux : “je crois que le chien est content de te voir, il remue la queue”. On peut aussi commenter ses sensations physiques, par exemple, nommer les parties de son corps qu’on lui touche quand on l’habille, le change ou le lave. On peut décrire ce qu’on fait. En plus du bain de langage que cela lui apportera, cela lui permettra de comprendre le monde.
De plus, si l’enfant identifie l’adulte comme une ressource pour lui expliquer ce qui est dans son environnement, il pourra, avec confiance, demander des informations, des explications (ce qu’un enfant voyant fait implicitement en pointant du doigt ou du regard quelque chose).

Instaurer l’échange et la communication

Pour créer les conditions favorables à l’apparition du langage, plusieurs éléments sont des leviers puissants : l’attention conjointe, l’imitation, le tour de rôle, la curiosité envers l’environnement, l’écoute et les jeux avec la bouche.

L’attention conjointe

L’attention conjointe est le fait que 2 personnes s’intéressent à la même chose en même temps. Dans un premier temps, c’est l’adulte qui va repérer ce à quoi s’intéresse l’enfant. Il va interagir avec lui en faisant des commentaires ou en jouant avec lui. La difficulté consiste à repérer les signes d’intérêt de l’enfant quand on n’a pas la direction de son regard pour nous aider. Il existe cependant d’autres indices : l’enfant s’immobilise pour écouter un bruit, il tend sa main en direction de ce qu’il cherche, ou tout simplement, il manipule, joue avec un objet. On peut aussi lui proposer des jouets stimulants, c’est alors l’enfant qui va s’intéresser à ce que l’adulte lui propose : des balles avec des textures intéressantes, des jouets sonores, des jouets interactifs, qui produisent un effet quand l’enfant appuie dessus, le tourne, le secoue. Autre chose qui fonctionne souvent bien à la maison : la nourriture. On peut ouvrir un paquet de ses gâteaux préférés et dire : “oh! qu’est-ce que c’est ?”. Il reconnaîtra peut-être le bruit, montrera de l’intérêt (voire de l’impatience), on peut alors lui dire “c’est des gâteaux ? Tu veux un gâteau ?”, ce qui laisse la place pour une réponse.

L’imitation et le tour de rôle

L’imitation et le tour de rôle vont permettre de poser les bases de la communication et de l’échange, des futures conversations. En prenant l’habitude d’imiter l’adulte, l’enfant pourra apprendre, progresser. Pour encourager l’imitation, l’adulte peut commencer par imiter l’enfant : taper sur la table quand il tape, gratter, faire comme lui quand il joue avec sa voix. Utiliser tout ce qui est sonore ou tactile, afin que l’enfant le perçoive. Le but est ensuite d’aller vers le “chacun son tour”. Un enfant non-voyant peut avoir tendance à se stimuler tout seul plutôt qu’aller vers les autres et l’extérieur. Ces comportements peuvent faire penser à de l’autisme mais sont tout à fait courants chez les non-voyants. Ce sont les blindismes. Pour éteindre ce type de comportement, on cherchera à favoriser les activités ensemble. Si l’enfant tourne tout seul par exemple, pour s’auto-stimuler, on peut le prendre par les mains et faire une ronde avec lui, afin qu’il intègre l’autre.

La curiosité envers l’environnement

Tout ce qui peut amener l’enfant à être curieux envers son environnement est à favoriser. Par exemple, lui faire toucher du pied un objet qu’il vient de laisser tomber pour qu’il comprenne que quand il lâche un objet, celui-ci ne cesse pas d’exister mais se retrouve au sol. Il peut le chercher et le ramasser ou demander à ce qu’on lui redonne. On peut aussi inciter à aller chercher des objets dans un sac ou dans une boîte. Cela permet aussi de jouer avec des voyants sur un pied d’égalité car personne ne voit ce qui est caché dans le sac !

L’écoute

On peut développer l’écoute à toute occasion : les bruits de la maison, les sons de la nature lors d’une balade, les histoires, les chansons, la musique, les comptines… Une écoute attentive et de qualité lui permettra d’être attentif au langage de son entourage.

Les jeux avec la bouche

Les enfants non-voyants ne voient pas la bouche des autres et ont une mauvaise conscience de leur corps. Ils ressentent mal ce qu’il se passe dans leur bouche. Encourager l’enfant à jouer avec sa bouche pour en développer la mobilité, mieux sentir et comprendre ce qui s’y passe l’aidera à mieux prononcer ensuite. L’idéal est de rester ludique : faire des bruits rigolos (claquer la langue, faire le cheval, la voiture, des bruits de bisous…), les jeux de souffle comme souffler dans un sifflet, une flûte, faire des bulles dans l’eau.

Et les livres ?

Un moment d’échange autour d’un livre est toujours très riche pour le langage. L’enfant n’a pas accès aux images qui permettent de soutenir l’attention lors de l’histoire, mais il existe beaucoup de livres interactifs, par exemple, les livres sonores où l’enfant appuie sur des pastilles pour déclencher un son ou bien des livres tactiles. Les images servent également à illustrer l’histoire, pour aider à la compréhension. Il existe des livres tactiles créés à cet effet. Des éditions spécialisées comme “les doigts qui rêvent” font de très belles choses. Il est possible également, avec encore plus d’interactions et à moindre coût, de créer des “boîtes à histoire”. Il s’agit de rassembler dans une boîte, un panier ou un petit sac, différents objets illustrant les étapes de l’histoire : des figurines ou jouets représentant les différents personnages, les objets avec lesquels ils interagissent. On peut également ajouter des sons pour une expérience multisensorielle (un bâton de pluie s’il pleut dans l’histoire, une cloche, ou toutes sortes de sons enregistrés). Cela permet à l’adulte de jouer les scènes, puis à l’enfant, quand il connaîtra l’histoire, de prendre plaisir à aller chercher les objets dans le sac et de jouer lui-même l’histoire pour la raconter.
Concernant les livres audio que l’enfant peut écouter seul car l’histoire, lue par un acteur, est enregistrée, ils peuvent être utiles quand l’enfant connaît déjà bien l’histoire et à plaisir à l’écouter et à la ré-écouter. Toutefois, dans les premiers temps, ce qui est important, c’est d’avoir un moment d’échange avec un adulte qui peut expliquer, commenter, ralentir, recommencer, revenir en arrière, répondre à ses questions, bref, s’adapter à l’enfant. Ce qu’un livre audio ne pourra jamais faire.

Des moments de rien

Pour terminer, l’enfant doit être stimulé mais il faut lui laisser aussi des moments de repos, ainsi que ne pas trop anticiper ses besoins pour faire émerger des demandes. On a tendance à beaucoup faire à la place d’un enfant non-voyant. On lui donne ce dont il pourrait avoir besoin avant même qu’il le demande. Cependant, il est nécessaire de créer des occasions pour que l’enfant formule lui-même des demandes, fasse des commentaires et donc parfois, attendre, ne rien faire, l’aidera à évoluer.

N’importe quelle activité très simple du quotidien peut être utilisée pour développer le langage et la communication d’un enfant non-voyant, tant qu’on décrit à l’enfant ce qu’il ne peut pas voir et qu’on cherche dès que l’on peut à lui apporter des éléments qu’il peut toucher, entendre, sentir ou goûter. L’important est avant tout d’instaurer des échanges de qualité avec les autres et que l’enfant y prenne du plaisir, les mots viendront ensuite.

Quelques exemples de ressources

Les doigts qui rêvent (faits spécifiquement pour les enfants non-voyants) https://ldqr.org/catalogue/
Livres sonores et tactiles
https://usborne.com/fr/ne-chatouille-pas-le-cochon-9781474991964
https://www.gallimard-jeunesse.fr/9782075152723/coucou-bebe.html
Livres sonores, à pastilles, à tirettes
https://usborne.com/fr/bang-9781805074885
https://usborne.com/fr/c-etait-toi-ce-prout-ours-9781805076216
https://www.lisez.com/livre-cartonne/le-livre-sonore-de-mes-emotions-livre-sonore-avec-6-puces-des-1-an/9782324021022
https://www.didier-jeunesse.com/livre/petits-bruits-du-matin-9782278089611/
https://www.didier-jeunesse.com/livre/coucou-bebe-ecoute-9782278100316/
Livres tactiles
https://www.armitiere.com/livre/14800740-ou-est-mon-renard–les-tout-doux-usborne-fiona-watt-usborne
https://www.editionsmilan.com/livres/4167-pere-noel-es-tu-la/