Elle a dit à ses parents qu’elle voulait apprendre à lire. Ils ne savent pas s’ils doivent accéder à sa demande ou s’il vaut mieux la faire patienter jusqu’à son entrée au CP. Ils aimeraient lui faire connaître les bases de la lecture et de l’écriture mais ne savent pas comment s’y prendre. Ils ont peur de mal faire et se disent que Léonie est peut-être trop jeune.

Léonie est-elle trop jeune pour apprendre à lire ?

Si un enfant aime les livres, s’intéresse aux lettres, aux sons qu’elles font, aux syllabes et aux mots en général, il est probable qu’il aura envie d’apprendre dès la maternelle. S’il le réclame et que ses parents sont d’accord, autant profiter de cette envie pour démarrer la lecture. Il est essentiel de suivre son rythme pour favoriser son entrée dans la lecture. Mais quand on est parent, il peut être difficile de savoir comment s’y prendre. La lecture, au contraire du langage oral, s’acquiert par un apprentissage assez long et exigeant.

Vocabulaire et mémoire sont indispensables

Apprendre à lire est une activité qui demande beaucoup de compétences et se fait sur plusieurs années avant d’être réellement efficace. Pour lire, il faut posséder de bonnes capacités de mémoire dont une bonne mémoire de travail. La mémoire de travail est de courte durée ; elle permet de garder en mémoire un nombre limité de sons pour ensuite les restituer sous une autre forme. Par exemple, quand un enfant apprend « p-a = pa », il doit garder en mémoire le son « p » puis le son « a » puis les lier pour aboutir à « pa ».
Lire exige aussi d’avoir un vocabulaire fourni : plus on possède de vocabulaire, mieux on réussit à décoder les mots et à donner du sens. Au début de son apprentissage, l’enfant décode, lit lentement et commet des erreurs. Le fait de connaître de nombreux mots à l’oral lui permet de comprendre ce qu’il lit et de se corriger. Il s’aide du contexte pour lire un mot difficile, il va chercher dans les mots qu’il connaît celui qui pourrait convenir et qui ressemble au mot qu’il ne parvient pas à déchiffrer.

Bien entendre et bien voir

  • Pour lire, il faut avoir une bonne vision et présenter des capacités visuo-attentionnelles correctes
  • faire la différence entre les lettres et d’autres symboles (chiffres, ponctuation…)
  • pouvoir suivre une ligne de gauche à droite
  • changer de ligne sans se perdre dans le texte
  • repérer les différentes orientations possibles pour pouvoir différencier des lettres qui se ressemblent

Pour entrer dans la lecture, il est aussi nécessaire de bien entendre et de posséder une bonne conscience phonologique. La conscience phonologique regroupe les compétences d’écoute et de discrimination des syllabes et les sons. Si elles sont faibles, l’apprentissage du langage écrit risque d’être compliqué. Il est donc essentiel de différencier deux sons ou syllabes proches, reconnaître des sons, isoler des syllabes et des sons dans des mots, fusionner des sons pour créer un mot. Percevoir des différences entre des sons demande d’avoir des capacités auditives correctes.

Connaître l’alphabet et manipuler les lettres

Qui dit « apprendre à lire » dit « connaître l’alphabet ». Il faut maîtriser la comptine de l’alphabet, le nom de toutes les lettres mais aussi leur son.

Il est important de différencier le nom des lettres et le son qu’elles font. Quand on travaille à l’apprentissage de l’alphabet, on parle du nom des lettres : la lettre « a », la lettre « bé »… Mais quand on travaille sur les sons, on va utiliser le son des lettres : la lettre « b » fait le son « b », la lettre « f » fait le son « fff ».

Une fois la comptine alphabétique connue, il est intéressant de vérifier que l’enfant reconnaît les lettres, même quand elles sont présentées dans le désordre. Pour cela, utiliser des lettres mobiles est avantageux puisqu’on peut les déplacer. Par exemple, on peut les placer dans l’ordre, puis en enlever une et demander à l’enfant de trouver quelle lettre a été enlevée et la replacer. On peut aussi piocher une lettre, la nommer et dire le son qu’elle produit.

En plus des lettres mobiles, il est possible d’utiliser d’autres supports ludiques :

  • des lettres rugueuses pour repasser dessus avec le doigt et maîtriser leur tracé
  • mais aussi : des grandes feuilles, un tableau, des feutres, de la peinture pour s’amuser à tracer des lettres de différentes tailles et couleurs.
  • L’idéal est également de disposer de lettres majuscules, scriptes et cursives.

Jouer avec les syllabes et les sons

La plupart des compétences nécessaires à l’apprentissage de la lecture peuvent être développées tout au long de la journée et dans de nombreuses situations, comme par exemple sur le chemin de l’école, en voiture ou pendant un moment de jeu.

Pour développer les capacités phonologiques, de nombreuses activités sont possibles et faciles à mettre en place :

  • enlever la première ou la dernière syllabe d’un mot : «  si on enlève « cha » de « chameau », qu’est-ce qu’il reste ? »
  • inverser deux syllabes ; « si on inverse les syllabes de « chameau », qu’est-ce que ça fait ? ». Cet exercice est plus difficile car il s’agit de manipuler des syllabes et donc faire appel à la mémoire de travail.
  • Si l’enfant est à l’aise avec les syllabes, il est possible de passer aux sons avec des activités comme :
  • trouver des mots qui commencent par tel son : « on va chercher des mots qui commencent par « p » comme « papillon » »
  • repérer le premier son d’un mot : « est-ce que « papillon » commence par « s » ? »/ « est-ce que « papillon » commence par « p » ? »)
  • repérer la présence d’un son dans un mot : « est-ce qu’on entend « ch » dans « chien »? »/« est-ce qu’on entend « r » dans « tomate » ? »)
  • trouver des mots qui riment ou qui commencent par le même son

Si l’enfant est à l’aise avec ces jeux de syllabes et de sons, il est possible de lui en proposer de plus complexes comme enlever le premier ou le dernier son d’un mot, inverser deux sons : « si on enlève « ch » de « chat », qu’est-ce qu’il reste ? », « si on inverse les deux sons de « chat », qu’est-ce que ça fait ? » Au contraire, mieux vaut poursuivre les activités syllabiques en cas de difficultés, plutôt que d’aller trop vite et ne pas respecter le rythme de l’enfant.

Comment débuter l’apprentissage ?

Il est possible de lui présenter des mots communs et simples, que l’enfant va être amené à rencontrer régulièrement : son prénom, « papa », « maman », « vélo ». Il ne s’agira pas vraiment de lecture mais de reconnaissance de suites de lettres qui peuvent aider et motiver l’enfant dans son apprentissage. Ces mots peuvent être repris et décomposés en sons ; par exemple, pour « papa » : « « p-a », ça fait « pa » ».

L’apprentissage réel se fera par décodage et donc liaison entre deux sons. Le plus facile est de débuter par un son consonne suivi d’un son voyelle : « f-a =fa ». On va passer du temps sur les mêmes sons, sans chercher à aller trop vite. On peut revenir régulièrement sur ce qui a déjà été vu.

Utiliser à nouveau les lettres mobiles constitue un bon moyen d’apprentissage: l’enfant peut les déplacer, créer de petits mots simples et se corriger facilement. En plus, cela permet de lier rapidement la lecture avec l’écriture. Quand l’enfant est à l’aise et le souhaite, il peut recopier sur une feuille ce qu’il a écrit avec les lettres mobiles. Ainsi, il consolide ce qu’il a lu, il développe le geste d’écriture et débute la mémorisation de l’orthographe.

Du plaisir, du jeu et des rires

Apprendre à lire et écrire demande de fournir beaucoup d’efforts ; le cerveau est très sollicité et peut fatiguer rapidement.

L’apprentissage des bases de la lecture doit être un plaisir et se faire dans la bonne humeur, en respectant l’intérêt de l’enfant. Si, au bout de quelques minutes, l’enfant se détourne de ce que l’adulte lui propose, mieux vaut faire une autre activité plutôt que l’obliger à poursuivre une activité qui ne lui plaît plus. Il aura tout de même appris quelque chose et a du temps devant lui pour s’améliorer.

Par exemple, on peut remplacer les jeux de lettres par un moment avec un livre : raconter une histoire en incitant l’enfant à suivre le texte avec le doigt, s’amuser à retrouver des lettres. Ou tout simplement, lui lire une histoire et prendre plaisir à être ensemble.

Si un enfant souhaite apprendre à lire avant d’être en CP, il est bon de l’accompagner et d’accéder à sa demande. Il ne s’agit pas de jouer le rôle de l’enseignant et de chercher à ce que l’enfant sache lire à cinq ou six ans, mais de répondre à une volonté de sa part. De nombreuses activités peuvent être proposées facilement. La plupart sont peu chères voire gratuites. Elles permettront à l’enfant de développer sa connaissance de l’alphabet et des sons, de lui donner les bases du décodage et de la reconnaissance de mots fréquents. Ces compétences sont nécessaires à l’apprentissage du langage écrit et peuvent être apprises en s’amusant.