Marcel a 3 ans et malgré l’entrée à l’école qui le plonge dans le « monde des grands », il réclame encore son biberon au goûter, le matin ou pour s’endormir, pour boire son lait au chocolat ou sa grenadine.
Est-ce que c’est un problème et pourquoi ? De nombreux parents se posent la question.

Le biberon a un côté très pratique car en grandissant, l’enfant peut le prendre tout seul ! En général, il le boit assez vite, ça permet d’être à l’heure à l’école le matin et c’est parfois même un petit moment câlin avec le parent sur le canapé avant le « top départ » de la journée. Pas de risque qu’il en renverse partout et au moins on est sûr qu’il ne parte pas à l’école le ventre vide.
Donc sur le papier, c’est plutôt un chouette outil. Mais en pratique, quand on creuse un peu, les choses se gâtent.
Quel est l’impact de la prise prolongée du biberon sur la santé et sur le développement de l’enfant ? Quelle vision à plus long terme ? Quels sont les enjeux ? Quand aider l’enfant à l’arrêter ?

Les repères d’arrêt de succion

À quel âge faudrait-il arrêter le biberon et la succion ?
Les recommandations des spécialistes en France sont claires : il est recommandé d’abandonner le biberon entre 12 et 18 mois. Ces spécialistes conseillent en relai l’usage de la tasse ou du verre pour remplacer le biberon dès que possible, au moins pour boire de l’eau à table.
Cela parait tôt, mais ce changement d’outil favorise la mise en place des mouvements moteurs plus complexes pour la mastication.
De plus, souvent en grandissant, c’est un biberon sucré qui est donné à l’enfant pour s’endormir. Il risque d’abîmer les dents (risque de caries dentaires précoces).
C’est aussi l’âge où le langage se développe et l’enfant va avoir besoin de renforcer les muscles du visage, de la langue et de la bouche.

Donc après 12/18 mois, ce n’est plus un besoin mais bien souvent une habitude de l’enfant. Il se raccroche à son biberon comme à un doudou. Il devient alors parfois beaucoup plus difficile de l’arrêter que si on avait proposé plus tôt un passage vers la tasse.
Chez les plus petits, dès 12 mois, on essaye de mettre en place une petite routine avec un verre adapté pour boire de l’eau par exemple, pour que bébé puisse s’habituer en douceur à cette transition.

Pourquoi c’est important d’arrêter ?

Certes c’est très pratique et l’enfant de 3 ans a du mal à le lâcher, mais l’usage prolongé du biberon peut avoir des effets négatifs sur différents plans.

Sur le développement de la bouche et du visage (bucco-facial)
Lorsqu’un enfant conserve une succion prolongée, cela peut perturber la croissance de ses mâchoires. La pression exercée par le biberon (ou la tétine) maintient les muscles buccaux dans une posture qui peut limiter leur développement naturel. Les mâchoires risquent de se développer de manière déséquilibrée ce qui peut entraîner des problèmes d’alignement dentaires (malocclusions). La succion prolongée maintient les mâchoires et les muscles dans un mouvement répétitif qui, à terme, peut limiter la croissance des os du visage et de la mâchoire. Cela pourrait nécessiter, plus ou moins rapidement, un suivi orthodontique pour rétablir l’alignement des dents et de la mâchoire. De plus, la langue reste coincée en position basse par la tétine du biberon. L’enfant conserve cette habitude de positionnement même sans le biberon, ce qui entraîne une respiration buccale avec plus de risque d’affection ORL (rhumes, angines, otites).

Sur le langage et la motricité du visage et de la bouche
Pour parler, l’enfant a besoin de développer la coordination de ses muscles buccaux (langue, lèvres, joues) et d’acquérir un bon contrôle des mouvements de sa bouche. La succion prolongée limite l’entraînement de ces muscles et les empêche de se préparer aux mouvements plus complexes des sons de la parole.

Sur l’alimentation et les habitudes alimentaires
L’usage prolongé du biberon freine également le passage aux aliments solides et la découverte des textures plus variées. Un enfant qui utilise principalement le biberon peut avoir tendance à préférer les boissons liquides ou les aliments mixés, ce qui limite ses expériences en termes de textures alimentaires et empêche le développement d’une bonne mastication.

Malgré tout cela, la bonne nouvelle c’est que si la succion du biberon est arrêtée suffisamment tôt, les difficultés liées à son utilisation peuvent être vite effacées.
Dès l’âge de 12-18 mois, on peut encourager son enfant à laisser progressivement le biberon, qui reproduit les mêmes mouvements de la langue que le pouce ou la tétine, pour prendre une tasse ou un bol, éventuellement avec une paille. C’est un bon entraînement pour tous les muscles de la bouche.

Le biberon à 3 ans, comment s’en sortir ?

À 3 ans, l’attachement au biberon peut être bien ancré chez certains enfants, et le sevrage peut sembler difficile pour les parents. Pourtant, il est possible de faire cette transition de manière douce et progressive, en adoptant quelques stratégies simples pour aider l’enfant à se détacher de cette habitude.

Proposer des alternatives progressives
Introduire la tasse : si ce n’est pas encore fait, proposer une tasse toute simple (gobelet en plastique) ou avec une paille, qui sera au début plus facile à utiliser qu’une tasse ouverte.
Associer la tasse aux moments de repas : proposer la tasse avec un fond d’eau systématiquement à chaque repas pour que l’enfant puisse s’y habituer en douceur.

Réduire progressivement l’utilisation du biberon
Limiter le biberon à certains moments de la journée : par exemple, on peut commencer par remplacer le biberon de l’après-midi par un goûter avec un yaourt (qui remplace le biberon de lait) et garder uniquement celui du matin, avant de le réduire à son tour.

Diminuer la quantité de lait progressivement
une autre méthode consiste à réduire petit à petit la quantité de liquide dans le biberon jusqu’à ce que l’enfant en perde l’habitude. On peut également diluer le contenu (en ajoutant de l’eau dans le lait, par exemple) pour le rendre moins attrayant, pour inciter l’enfant à passer naturellement à une autre boisso
Lui proposer de raconter comment il fait pour boire à l’école

Remplacer le biberon par un autre rituel
À cet âge, le biberon représente souvent bien plus qu’un simple moyen de boire : il s’agit d’un objet de réconfort, comme un doudou. Pour faciliter la transition, proposer d’autres formes de réconfort. Par exemple, remplacer le biberon du soir par la lecture d’une histoire, une berceuse ou un long câlin.
Vous pouvez aussi encourager l’enfant à choisir un nouvel objet de réconfort, comme une peluche spéciale ou une couverture douce, choisie à cette occasion, qui pourrait remplacer le besoin de succion et offrir un apaisement autrement.

Faire de cette étape une fête
À cet âge, il est important de faire de ce moment difficile pour l’enfant une fête ! Par exemple, c’est l’occasion de lui acheter une jolie tasse ou une gourde qu’il choisit lui-même, et lui faire sentir qu’il s’agit d’une étape « de grand ».
Pour les enfants attachés à leur biberon, un rituel « d’au-revoir » peut être une belle manière de marquer la transition, en expliquant que c’est un signe de progrès.

Ces étapes peuvent aider l’enfant à abandonner le biberon en douceur, sans créer de tension. En montrant l’exemple (boire au verre), en valorisant ses efforts et en rendant ce changement ludique, on peut faire de cette transition un moment positif.
Et tout cela pour une meilleure santé bucco-dentaire et un développement global optimal de l’enfant, ça vaut le coût.

Qui consulter ?

Si l’abandon du biberon est difficile malgré les efforts et les astuces mises en place, il peut être utile de se tourner vers des professionnels qui vont pouvoir vous soutenir et expliquer les choses à votre enfant.

Le pédiatre : Il est souvent le premier interlocuteur en cas de difficulté chez l’enfant. Le pédiatre peut évaluer ses habitudes alimentaires, ses éventuels besoins émotionnels associés au biberon. Il peut lui-même en parler avec l’enfant, ce qui permet d’appuyer les propos des parents (sans attendre de voir le dentiste) et proposer des pistes pour faciliter la transition vers la tasse.

Le dentiste ou l’orthodontiste : À partir de 3 ans, une consultation dentaire est recommandée pour surveiller la croissance des mâchoires et l’alignement des dents. Le dentiste peut observer si l’usage prolongé du biberon a un impact sur la dentition (caries, malocclusions). Il conseille aussi les parents sur les habitudes bucco-dentaires à favoriser pour un développement harmonieux. Il peut aussi prendre le temps d’en parler avec l’enfant, ce qui est souvent le plus convaincant des discours !

L’orthophoniste : Dans certains cas, les difficultés à lâcher le biberon peuvent être liées à des habitudes de bouche et de langue persistantes ou à des retards dans le développement des muscles de la bouche.

Ces professionnels travaillent en collaboration pour un suivi global de l’enfant.

Et l’orthophoniste dans tout ça ?

L’orthophoniste joue un rôle clé dans le soutien au développement de la motricité de la bouche, indispensable à la fois pour le langage et pour l’alimentation.

Lorsque l’usage du biberon persiste au-delà de l’âge recommandé, cela peut freiner l’évolution de la motricité bucco-faciale nécessaire au langage et à la mastication.

Un orthophoniste évalue la coordination des muscles de la bouche, de la langue et des lèvres de l’enfant pour s’assurer qu’ils se développent au mieux. Il accompagne l’arrêt du biberon, et propose, si besoin, des petits exercices ludiques et adaptés pour que tous ces organes se développent et fonctionnent au mieux. Les exercices vont soutenir le langage, l’alimentation et le développement de sa bouche et du visage du bébé.

En conclusion, il est important de ne pas banaliser le fait que Marcel ait encore besoin de son biberon à 3 ans. A cet âge, c’est important qu’il puisse l’arrêter et plusieurs professionnels de santé peuvent vous y aider.