L’alimentation d’un bébé soulève souvent de nombreuses questions, et avec elles beaucoup de croyances bien ancrées. Faisons le tri ensemble.

Les croyances sur l’appétit et les besoins alimentaires

« Un enfant ne se laisse pas mourir de faim. »

On entend souvent cette phrase pour rassurer les parents d’un enfant qui mange peu ou refuse certains aliments. Pourtant, ce n’est pas toujours vrai. Certains bébés, notamment ceux qui présentent des troubles alimentaires ou des difficultés sensorielles, peuvent réellement réduire leurs apports au point d’impacter leur croissance. Il est donc essentiel d’observer son enfant et de demander conseil à un professionnel de santé si les repas deviennent source de stress ou si la prise alimentaire est insuffisante.

« S’il a faim, il finira bien par manger ce qu’on lui propose. »

Pas si simple ! Certains enfants préfèrent rester à jeun (sans manger) plutôt que de manger un aliment qui leur pose un problème (par sa texture, son goût ou parce qu’ils n’en n’ont pas envie, n’ont pas faim ou sont dégoûtés par cet aliment). La meilleure stratégie pour favoriser une alimentation variée, c’est de respecter leur rythme et proposer régulièrement de nouveaux aliments sans forcer. Manger un plat froid qui nous dégoûte ne nous aide pas à l’aimer par la suite, au contraire.

« S’il refuse un aliment, c’est qu’il ne l’aime pas. »

Un bébé peut grimacer à la première proposition d’un aliment et c’est normal (on appelle ça le réflexe gusto-facial). Il peut aussi refuser un aliment pour de nombreuses raisons : trop nouveau, texture surprenante, fatigue… Il faut parfois proposer un aliment 10 à 15 fois avant qu’il soit accepté. L’important est de persévérer et le présenter sous différentes formes, sans pression et sans perdre patience. Par exemple : la carotte peut être proposée crue, cuite, en rondelle comme en purée, avec ou sans sauce. « Refuser la carotte » peut aussi vouloir dire « je n’aime pas la carotte crue mais la purée de carotte j’adore! »
Peut-être qu’après un certain nombre de présentations, l’enfant finira par l’aimer, surtout si ses parents le consomment régulièrement. Ou peut-être celui-ci ne fera finalement pas partie de son panel alimentaire (liste des aliments qu’il consomme) et ce n’est pas un problème.

Les croyances sur la diversification alimentaire

« Il faut commencer par des compotes car c’est plus doux, plus facile à accepter pour bébé »

Mieux vaut commencer la diversification avec des légumes qu’avec des fruits, mais bonne nouvelle : certains légumes ont un goût naturellement doux et sucré. La carotte, la courge ou encore la patate douce sont de bons premiers choix pour habituer bébé aux saveurs salées tout en douceur. Le lait maternel ou infantile ayant déjà une saveur légèrement sucrée, les bébés naissent avec une appétence naturelle pour le sucré. Pour élargir leur répertoire gustatif, l’important est donc de proposer une diversité de saveurs dès le début. Les fruits viendront ensuite, mais pas de précipitation : bébé a toute la vie pour aimer le sucré.

Et n’oublions pas qu’une exposition précoce et répétée aux légumes (notamment ceux au goût plus amer comme les épinards ou les brocolis) augmente les chances que l’enfant les accepte plus tard, donc ne nous privons pas de lui faire découvrir tous les légumes, même ceux que l’on apprécie moins.

« Le sucré doit être évité à tout prix pour ne pas créer une addiction. »

Les bébés aiment naturellement le goût sucré, mais ce n’est pas une raison pour interdire totalement ces saveurs. Un cadre souple et équilibré permet de leur apprendre à manger avec plaisir, sans frustration. Et attention à ne pas mettre le sucré comme une récompense que l’on a, après avoir mangé tout le reste. Le sucré, au même titre que le salé, est intéressant à découvrir pour bébé sans en faire ni un ennemi, ni une récompense.

« C’est bien de donner 3 jours le même légume quand on démarre la diversification »

On entend souvent qu’il faut proposer le même légume pendant trois jours d’affilée au début de la diversification. En réalité, ce n’est pas une règle absolue. Varier les légumes dès le départ permet à bébé de découvrir un maximum de saveurs et d’enrichir son répertoire gustatif. L’important est de lui offrir des aliments simples, sans mélanges au début, pour qu’il apprenne à reconnaître chaque goût. Bien sûr, si vous avez un doute sur une éventuelle allergie, prenez conseil auprès de votre pédiatre qui vous guidera dans ces propositions.

« Il faut finir son assiette pour bien grandir. »

Forcer un enfant à terminer son assiette peut perturber ses mécanismes naturels de faim et de satiété. Mieux vaut lui faire confiance et respecter ses signaux internes : j’ai faim/je n’ai plus faim, et cela n’a rien à voir avec le fait que mon assiette soit vide ou pas. Un bébé en bonne santé sait en général ce dont il a besoin, à nous de lui faire confiance.
Les croyances sur les textures et les modes d’alimentation

« S’il a un réflexe nauséeux, c’est qu’il n’est pas prêt pour les morceaux. »

Le réflexe nauséeux est une réaction naturelle de protection qui diminue avec le temps et l’expérience. Il ne signifie pas que l’enfant n’est pas prêt pour les morceaux, mais plutôt qu’il a besoin d’un temps d’adaptation, ou que la taille ou la texture du morceau ne sont pas adaptés. Continuer à proposer des textures variées en douceur l’aidera à progresser. Si la transition vers d’autres textures reste difficile, n’hésitez pas à en parler à votre médecin qui pourra vous orienter vers une orthophoniste.

« Il faut absolument démarrer la diversification avec des purées lisses. »

Pas forcément ! La diversification menée par l’enfant (DME) permet au bébé d’explorer des morceaux adaptés à son âge et à sa capacité. C’est aussi une option envisageable si bébé a 6 mois révolus. L’essentiel est que les textures soient adaptées aux capacités motrices de l’enfant pour éviter les fausses routes, et que les aliments proposés tiennent compte de ses besoins en énergie.

« La DME, c’est mieux pour démarrer la diversification. »

La diversification menée par l’enfant (DME) est une approche intéressante pour l’enfant tout venant, mais elle n’est pas pour autant « meilleure » que l’introduction classique des aliments sous forme de purées. Chaque enfant a des besoins et des compétences différentes. Certains sont prêts à gérer des morceaux fondants dès le début (6 mois), tandis que d’autres ont besoin d’une transition plus progressive. L’important est de proposer des textures adaptées à l’âge et aux capacités de mastication de l’enfant, en veillant toujours à sa sécurité alimentaire. Il n’y a donc pas une seule bonne façon de débuter la diversification, mais plusieurs chemins possibles selon chaque bébé et chaque famille.

« La cuillère est indispensable pour apprendre à manger. »

Pas tout à fait ! Il faut du temps et une bonne coordination entre ses yeux, sa main et sa bouche pour gérer la prise à la cuillère. Donc au début, l’apprentissage de l’alimentation passe aussi par les doigts et c’est normal ! On peut aussi donner à bébé une cuillère dans sa main en même temps que l’adulte lui propose à manger avec une autre cuillère, pour qu’il se familiarise et commence à apprendre le geste.

Les croyances sur les rythmes et les habitudes alimentaires

« S’il refuse de manger, c’est un caprice. »

Un bébé ne fait pas de caprice : il exprime un besoin ou une difficulté. S’il refuse un aliment, il peut être fatigué, malade, stressé ou tout simplement ne pas avoir faim. Observer son comportement et s’adapter à ses envies est essentiel. S’il refuse de manger, ça peut être juste qu’il respecte son cycle de faim/satiété.

« Un bébé doit manger toutes les 3 heures. »

Chaque enfant a son propre rythme. Certains ont besoin de manger plus souvent, d’autres peuvent espacer naturellement leurs repas après plusieurs mois de vie. Il est préférable de se fier aux signaux de faim et de satiété plutôt qu’à un horaire rigide. A quoi peut-on dire ou voir que son bébé a faim ou n’a pas faim ? en tant que parents, c’est vous les experts de votre bébé.

« Il n’aime pas les légumes ? c’est un caprice il faut le forcer ! »

Bébé refuse ses légumes ? Ce n’est pas un caprice, et surtout, inutile de le forcer. Découvrir de nouveaux goûts prend du temps, et un aliment peut nécessiter plusieurs expositions avant d’être accepté. Si bébé fait la grimace ou repousse son assiette, pas de panique : mieux vaut lui reproposer ce légume plus tard, sous une autre forme ou associé à une texture qu’il apprécie. L’important, c’est de garder une approche positive et détendue autour des repas. Forcer un enfant à manger risque au contraire de créer du stress et du rejet vis-à-vis des aliments. Avec patience et bienveillance, bébé élargira son répertoire gustatif à son rythme.

« De mon temps, l’alimentation ça ne se passait pas comme ça, vous êtes beaucoup trop laxiste avec les enfants ! »

C’est vrai, les pratiques alimentaires ont évolué… et c’est une bonne chose. Autrefois, on imposait souvent des règles strictes : finir son assiette, manger à heures fixes, accepter tous les aliments sans broncher. Aujourd’hui, on sait que l’apprentissage alimentaire se fait dans un climat de confiance et de respect du rythme de l’enfant. Un bébé qui explore, qui touche, qui grimace, ce n’est pas un enfant capricieux, c’est un enfant qui découvre. L’objectif n’est pas d’être laxiste, mais de l’accompagner avec bienveillance pour qu’il développe une relation saine avec l’alimentation. Manger, ce n’est pas juste avaler des nutriments, c’est aussi un plaisir et une expérience sensorielle qui se construit jour après jour, dans la confiance avec l’adulte.

« Les troubles alimentaires pédiatriques c’est à la mode, il n’y en a jamais eu autant ! »

On entend souvent dire que les troubles alimentaires pédiatriques sont une « mode » et qu’avant, les enfants mangeaient sans problème. En réalité, ces difficultés ont toujours existé, mais elles étaient moins bien identifiées. Aujourd’hui, on comprend mieux les mécanismes impliqués et on sait que certains enfants ont de réelles difficultés à s’alimenter, bien au-delà d’un simple refus ou d’un caprice. Plutôt qu’un effet de mode, il s’agit surtout d’une meilleure reconnaissance de ces troubles, ce qui permet d’accompagner les familles de manière adaptée et bienveillante. Un enfant qui ne mange pas n’a pas juste besoin de patience ou de fermeté, mais d’un accompagnement spécifique pour l’aider à développer ses compétences alimentaires.

L’alimentation des bébés est un sujet qui suscite beaucoup d’idées reçues, parfois culpabilisantes pour les parents. En réalité, chaque enfant a son propre rythme et ses besoins spécifiques. L’essentiel est de lui offrir un cadre rassurant, de la variété et de l’accompagner avec bienveillance dans ses découvertes alimentaires. Et si des doutes persistent, pensez à consulter un professionnel de santé (pédiatre, orthophoniste, diététicien) pour vous aider à y voir plus clair.